Samedi 8 février 2014

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A mon grand soulagement, la danse m'apporta le même réconfort que d'habitude. Quand Nicole annonça la fin de l'entraînement, je suivis lentement les autres jusqu'aux vestiaires. Je me laissai choir sur le banc. Je n'avais pas envie de rentrer chez moi mais je n'avais nulle part où aller. Romain et David étaient sur la route pour Morzine où se déroulerait le match du soir. Un lancinant sentiment de solitude m'envahit. La porte des vestiaires claqua et je revins sur Terre. Je m'aperçus que j'était maintenant presque seule. Je renfilai mes guêtres et retournai dans le studio désert. Déjà échauffée, je lançai la première piste et improvisai un enchaînement des mouvements les plus techniques que nous avions travaillé récemment. Au fur et à mesure de la musique, mes gestes devinrent plus fluides, je me laissai aller. Pendant un bref moment, alors que j'effectuai une pirouette et que mes pieds ne touchaient plus le sol, je me sentis libre et légère. Pourquoi ne pouvais-je pas rester en apesanteur ?

La musique s'arrêta et je me dirigeai vers la chaîne. La dernière épreuve du championnat, qui aurait lieu dans un peu plus de deux mois, porterait sur la chorégraphie libre. Je devais me surpasser. J'avais hésité sur le choix de la musique. Pour finalement m'arrêter sur la mélodie de Tom Odell. C'était presque suicidaire. Cette chanson me faisait immanquablement penser à lui. Après tout, je n'avais jamais aussi bien dansé que lorsqu'il était présent. Peut-être continuerait-il à m'inspirer.

L'envie de me surpasser faisant vibrer mes muscles, je commençai à travailler ma chorégraphie, me laissant porter - et tant pis si ça faisait mal - par les pensées, les gestes et les mouvements que son souvenir suscitait en moi.

***

Je retrouvai David et Romain chez ce dernier. A peine fus-je installée dans le canapé, que je décidai d'entrer dans le vif du sujet.

- Bon, histoire que vous ne me reprochiez pas une nouvelle fois de ne plus rien vous dire, déclarai-je, je démissionne du centre administratif.

J'avais capté toute leur attention. David me dévisageait, perplexe, tandis que Romain affichait un air affligé.

- T'es pas sérieuse ? Lâcha t-il, les sourcils levés.

- Si.

- Mais...tu as trouvé autre chose ? Demanda David, une expression un peu inquiète sur le visage.

- Non. Pas encore.

- Tu vas dire que je me répète, intervint sèchement Romain, mais « t'es pas sérieuse » ?

- Y a rien de grave, Romain, c'est bon.

- Et tu veux faire quoi à la place ? Reprit David, tentant probablement d'apaiser l'ambiance.

- La question, ce serait plutôt : tu fais comment pour vivre avec un salaire de semi-pro ? Assena mon cousin comme s'il n'avait pas entendu David.

Je haussai les épaules.

- Ça, c'est mon problème. Et j'ai des économies.

- Ouais. L'héritage de tes parents.

Je relevai brusquement la tête et le fusillai du regard pour le dissuader d'ajouter quoi que ce soit.

- Pas un mot de plus là dessus, Romain, le prévins-je.

Il secoua la tête en poussant un juron.

- Je sais pas ce que tu cherches mais...

- Je cherche à faire quelque chose qui me plait, l'interrompis-je calmement. Allez, laisse tomber et allume ta console.

Canada Blues 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant