Mercredi 6 juillet 2016

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Le terminal 2 de l'aéroport de Varsovie-Chopin était bondé et visiblement non climatisé. Je suivis le reste de la troupe jusqu'à la sortie en traînant mon lourd bagage derrière moi, impatiente de respirer un bon bol d'air frais. Lorsque nous émergeâmes à l'extérieur, je compris très vite que pour l'air frais, il faudrait attendre. La rue était saturée de gaz d'échappements. Nous grimpâmes rapidement dans le bus qui nous attendait en double file. Ce dernier démarra, direction l'hôtel que nous occuperions pour les trois dernières nuits de cette tournée.

Nous avions passé la semaine précédente à Vienne où nous nous étions produits dans l'un des plus beaux opéras du monde. Même si nous n'étions pas spécialistes de la valse, notre spectacle avait été accueilli avec un enthousiasme assez incroyable. J'en gardais des souvenirs mémorables. Nous avions fait un court arrêt à Budapest ensuite, pour finalement poser nos valises pour trois jours et deux représentations à Varsovie.

Les vacances approchaient et je trépignais d'impatience à chaque fois que je songeais à la piscine et au transat qui m'attendaient. Romain m'avait envoyé des photos du lieu de vacances et le moins qu'on pouvait dire, c'était que Catherine et Bernard n'avaient pas lésiné sur les moyens. La maison oscillait entre le bungalow et le chalet de montagne, avec une grande terrasse en bois sur l'arrière. Elle n'était pas très grande et comptait seulement trois chambres, mais confortable et fonctionnelle si j'en croyais Margot. L'extérieur était à tomber : une jolie piscine, un barbecue XXL et un joli jardin arboré. J'avais hâte !

Le bus stoppa devant l'hôtel et nous descendîmes bruyamment. Je récupérai ma valise dans la soute et, en attendant que tout le monde ait récupéré son bagage, je cherchais mon téléphone. Qui resta introuvable. Je vérifiai trois fois dans mon sac et dans les poches de ma veste mais je ne parvins pas à mettre la main dessus. Alors que je m'apprêtais à remonter dans le bus afin de vérifier si je ne l'avais pas oublié sur mon siège, je l'aperçus, tombé sur le bitume près de la roue avant du car. Avec soulagement, je me précipitai pour le récupérer. Mais, dans un grand bruit de moteur, le bus redémarra brusquement. Je ne pus que faire la grimace en entendant mon téléphone exploser sous les roues. Le car s'éloigna, son chauffeur complètement ignorant de la catastrophe qu'il venait de provoquer.

- Ah, merde, souffla Quentin en ne pouvant s'empêcher de rire. Ça, c'est vraiment pas de chance.

- La poisse, me plaignis-je, dépitée.

Je me baissais pour ramasser l'amas de débris qu'était devenu mon fidèle téléphone. Il était bon à jeter. Grommelant et jurant, je le fourrais dans le fond de mon sac et entrai dans le hall de l'hôtel.

La chambre n'améliora pas mon humeur déjà maussade. Elle était minuscule, sombre et la salle de bain n'était qu'une douche cabine et un lavabo deux fois trop bas. Je comprenais que la compagnie n'ait pas un budget illimité mais quand même ! Nicole allait m'entendre.

- Cam, je peux t'emprunter ton téléphone ? Je voudrais prévenir Matt que je ne serais pas joignable.

- Bien sûr, répondit mon amie avec qui je partageais la chambre en me tendant son portable. Tu veux qu'on aille voir si on trouve une boutique pour en acheter un autre ?

- Non, j'en rachèterai un en France. Je vais faire sans pour les trois derniers jours.

Je sortis de la chambre et trouvai une petite terrasse au bout du couloir. Je composai de tête le numéro de Matt.

- Allô ?

- C'est moi, mon cœur.

- Salut bébé, m'accueillit-il. Qu'as-tu fais de ton téléphone ?

Je souris de le voir si perspicace.

- Il est passé sous un bus.

- Un bus ? Ce que j'aime chez toi, c'est que tu ne fais jamais les choses à moitié.

- Très drôle. Je t'appelle du portable de Camille. J'en achèterai un nouveau à Roissy samedi alors ne t'inquiète pas si tu n'as pas de nouvelles d'ici là.

- Ok, bébé.

- Tu peux prévenir Romain s'il te plaît ?

- Sans faute.

Matt s'enquit du déroulement de la tournée mais je dus mettre rapidement fin à la communication. Les appels à l'étranger coûtaient toujours un bras et je ne voulais pas que Camille soit surfacturée par ma faute. Nous nous souhaitâmes bonne nuit, je lui assurai qu'il me manquait et je raccrochai.

***


Margot sortit sur la terrasse et profita que ses beaux parents soient occupés avec Cléo pour se pencher vers Romain.

- Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris, dit-elle. Dan et Jamie viennent passer ces vacances avec nous ? Ici ? La semaine prochaine ?

Romain regarda sa femme en haussant un sourcil moqueur.

- Ouais. T'as besoin d'un dessin ?

- Dan vient seul ? Sans sa copine ?

- Ouais.

Margot se laissa tomber sur une chaise, pensive.

- Et Matt ne sera pas là non plus.

- Ouais, répéta Romain, la bouche pleine de son sandwich.

- C'est tout ce que ça te fait ?

Il haussa les épaules.

- C'est...dangereux, tu ne trouves pas ? Relança t-elle.

Romain avala bruyamment avant de répondre.

- Si. Aussi dangereux qu'Alie sur des patins. Mais qu'est ce que tu veux que j'y fasse ?

- Rien, lâcha mollement Margot. Alie est au courant ?

- Non. Je n'arrive pas à la joindre. Matt m'a dit que son téléphone était HS.

- Il faut absolument qu'elle le sache avant d'arriver ! S'insurgea Margot.

- Et je fais comment ? Je demande à Matt de lui passer le message ? Proposa ironiquement Romain.

- Bien sûr que non, mais...

- Elle lui a dit qu'elle achèterait un portable à l'aéroport samedi, la rassura Romain. Je lui demanderai de m'appeler quand elle arrive en France. Tu peux te détendre, maintenant ?

Margot s'adossa contre le dossier de sa chaise, toujours pensive.

- Je le sens pas, reprit elle. Ils ne se sont jamais revus. Il y a des choses qu'ils n'ont jamais réglées. Et je suis sûre qu'ils vont retomber dans les bras l'un de l'autre.

Romain dévisagea sa femme un court instant, perplexe.

- Tu as toujours dit qu'ils étaient faits l'un pour l'autre, releva t-il

- Et j'en suis toujours persuadée. Mais ils ne sont plus seuls maintenant, il y a Matt et Manon.

- Ils sont adultes, Margot. Et du temps a passé. Ils sont peut-être passés à autre chose.

La jeune infirmière jeta un regard peu convaincu à son mari.

- Tu n'y crois pas toi-même.

- C'est vrai. Nous verrons bien. Mais, tu me connais ma chérie, je ne laisserais pas Alie faire une connerie.

- Je ne m'inquiète pas pour ça, sourit Margot.

Canada Blues 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant