Lundi 6 juin 2016

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Dan traîna son sac de hockey à travers le salon et le déposa dans un coin de la buanderie. Il lança une machine avec ses affaires du jour puis se dirigea vers la cuisine pour un petit en-cas. Tout en avalant la première bouchée de son sandwich, il jeta un œil à la grosse horloge en bois et en métal qui surplombait le manteau de la cheminée. 17h48. Manon ne tarderait pas à rentrer.

En attendant son retour, il s'installa dans le canapé et alluma son ordinateur portable. Tandis qu'il lançait le navigateur, il laissa son regard errer dans la pièce. Il n'était pas fan de cet endroit mais Manon avait eu un coup de cœur pour la petite loggia qui donnait sur le minuscule jardin. Ils louaient cet appartement en rez de chaussée d'une maison mitoyenne depuis quelques mois. Elle était située dans une petite zone résidentielle proche du centre ville. Son seul avantage aux yeux de Dan était qu'elle se trouvait à moins de trois kilomètres du Centre Bell et de l'hôpital de Montréal dans lequel Manon travaillait. Le reste ne l'enchantait guère ; ni la proximité des voisins, ni la petite pièce de vie et encore moins l'extérieur presque inexistant. Lui qui avait grandi dans un grand pavillon entouré de plusieurs centaines de mètres carré de pelouse, il se sentait à l'étroit. Mais cela n'avait rien de dramatique, ce n'était que provisoire. Jusqu'à ce qu'il parvienne suffisamment à se projeter pour sauter le pas de l'achat immobilier. Ce n'était pas un problème d'argent ; il avait largement mis de côté depuis des années et la prime qu'il avait touché après la coupe du monde n'était pas négligeable. Mais, sans comprendre pourquoi, il peinait à s'imaginer acheter un bien avec Manon. Comme si cela rendrait leur relation trop...définitive. Alors qu'il adorait cette fille, un petit quelque chose le retenait toujours de s'investir à 100%.

La porte d'entrée s'ouvrit et Manon fit irruption dans la pièce, encore en tenue d'infirmière. Il l'accueillit avec un grand sourire et se leva pour l'embrasser.

- Salut, ma chérie. Tu as passé une bonne journée ?

- Fatiguante, répondit-elle en lui rendant son baiser. Et on a eu une énorme fuite d'eau, ajouta Manon en désignant sa tenue. Du coup, vestiaires inaccessibles. Et toi ?

- Rien de spécial. Je viens de rentrer.

Dan l'observa déposer son sac à main sur la table et se diriger vers le frigo pour se servir un verre d'eau fraîche, ce qu'elle faisait toujours en rentrant. Quelques mèches rebelles de ses cheveux attachés en un chignon lâche glissèrent sur le devant lorsqu'elle se pencha, révélant la peau blanche de son cou. Il avait toujours aimé la couleur laiteuse de sa peau qui rougissait au moindre petit choc ou à la moindre petite émotion. Manon ne pouvait rien lui cacher, sa jolie peau parlait pour elle.

Avec un petit sourire fatigué, elle vint le rejoindre dans le salon et posa sa tête sur son épaule. Dan caressa négligemment sa joue du bout des doigts tout en jetant un œil à ses mails.

- Quand est ton prochain match ? S'enquit-elle.

- Demain soir. Tu travailles ?

- Non, je suis de journée toute la semaine. Je viendrais peut-être te voir.

Manon suivait le hockey davantage parce que cela faisait partie de la culture canadienne que parce qu'elle aimait vraiment ça. Elle ne l'accompagnait généralement que pour les gros matches et suivait le reste de sa carrière de loin. Dan avait tenté de l'intéresser davantage mais sans grand succès. Ça lui manquait un peu de pouvoir échanger sur sa plus grande passion avec celle qui partageait sa vie.

En fait, il devait bien avouer que Manon et lui n'avait pas énormément de choses en communs. Elle n'était pas sportive pour deux sous, sauf pour courir les magasins au moment des soldes. Elle n'était pas pour autant matérialiste ou superficielle, loin de là, mais elle adorait les fringues. Passer une après-midi dans des cabines d'essayage était incompréhensible pour Dan. Ce qui les avait réellement rapproché, c'était leur sens de la famille. Et le père de Dan.

Il l'avait rencontré pour la première fois dans la chambre d'hôpital de son père, près de deux ans auparavant. Il y avait passé tellement de temps qu'ils avaient eu l'occasion de faire connaissance entre deux changements de perfusion. Ils avaient même pris l'habitude de se retrouver près du distributeur pour un café lorsque Manon prenait sa pause. Puis, après de longues semaines d'hésitation, il s'était jeté à l'eau et l'avait invité à diner.

Son empathie et sa douceur l'avaient charmé. Manon était timide et maladroite mais derrière ses airs de petite chose fragile, il avait découvert un caractère adorable et une personne très attachante. Dan avait développé des sentiments sincères, même s'il ne ressentait pas la passion dévorante qu'il avait connu auparavant. Peut-être était-ce une bonne chose ; il n'en ressortirait pas brisé si leur relation devait prendre fin un jour.

L'horloge sonna 19h. Manon se mit aux fourneaux. Étant un vrai cordon bleu, elle se chargeait l'essentiel du temps des repas. Ils se mirent à table et Manon lui raconta les anecdotes de sa journée. Travailler dans un hôpital n'était jamais de tout repos et elle était capable de bavasser toute la soirée sur ses patients. Dan l'écoutait distraitement, mi amusé mi indiffèrent.

Puis ils s'installèrent devant la dernière série à la mode dont Manon ne loupait pas un épisode et qui agaçait prodigieusement Dan. Il se plongea dans son téléphone jusqu'à ce qu'elle décide d'aller se coucher. Après un rapide passage par la salle de bain, il la rejoignit dans la chambre.

Allongé près d'elle, il entoura sa fine taille de son bras. Puis il glissa doucement la main sous son tee-shirt, caressant la peau de son ventre et de ses cuisses. Lorsque ses doigts effleurèrent le tissu de sa culotte, Manon se tortilla et se raidit légèrement.

- Pas ce soir, mon cœur. Je suis fatiguée.

Dan retint un soupir de frustration mais n'insista pas. Il reposa la tête sur son oreiller et chercha le sommeil.

Canada Blues 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant