Canada Blues 2

Samedi 9 juillet 2016 /1

Je posai un pied sur le tarmac de Roissy avec soulagement et enthousiasme. Les vacances allaient enfin commencer ! Après avoir récupéré mes bagages et fait mes au revoir à la troupe, je me dirigeai vers la sortie du terminal. Au passage, j'achetai un sandwich dans la première boulangerie que je trouvais. Puis, j'aperçus la boutique de télécom quelques dizaines de mètres plus loin. Je ne m'attardais pas outre mesure devant l'étalage des téléphones, me contentant du modèle tactile le moins cher. Il me dépannerait quelques semaines le temps de remplacer mon portable plus avantageusement. Je réglai les soixante neuf euros en caisse et ressortis de la boutique. Maintenant que mon estomac était plein et que j'étais à nouveau équipée d'un téléphone, je pris la direction de l'agence de location. S'il y avait bien une chose que j'évitais à tout prix, c'était d'avoir à utiliser les navettes de l'aéroport. Elles étaient généralement bondées et, après un trajet la plupart du temps inconfortable, il fallait ensuite braver la foule du métro parisien jusqu'à la gare SNCF. J'avais plutôt opté pour une voiture de location pour partir directement de l'aéroport.

J'arrivais au comptoir de l'agence. Après avoir signé les papiers et présenter mon permis de conduire, on me remit les clés de la voiture, une BMW série 1 - oui, je m'étais fait un petit plaisir pour bien débuter ces vacances. Je traversai l'immense parking. Il me fallut de longues minutes pour trouver mon véhicule.

Une fois installée à l'intérieur, je sortis mon nouveau téléphone de sa boite, y insérai ma carte SIM et le démarrai. L'écran d'accueil s'afficha et l'appareil se mit immédiatement à vibrer au rythme de la réception des messages de ces trois derniers jours. Avant d'en prendre connaissance, je programmai le GPS de la voiture qui m'annonça un temps de trajet de 4h37. Arrivée prévue pour 17h40. La route allait être longue.

J'envoyai un message à Matt pour le prévenir de mon arrivée à Paris et promis de l'appeler ce soir. Puis je vérifiai mes messages ; ils étaient presque tous de Romain. Je décidai de l'appeler directement. Il répondit presque immédiatement.

- Salut, cousin.

- Salut. J'attendais de tes nouvelles.

- Matt t'avait prévenu pour mon téléphone ?

- Ouais. Tu es où ?

- A Roissy. Je vais prendre la route.

- Tu ne viens pas en train ? S'étonna t-il.

- Non, trop compliqué, j'ai loué une voiture. Je devrais arriver vers 18h.

- Ok. Attends une seconde.

J'entendis un bruit de chaise que l'on recule et des voix qui se firent de plus en plus lointaines. Je supposai que Romain s'éloignait des autres. Il me reprit en ligne.

- Tu as eu mes messages ? Demanda t-il.

- Je n'ai pas pris le temps de les lire. Qu'est ce qu'il y a ?

Le ton que mon cousin avait employé me laissait à penser qu'il y avait anguille sous roche. Il s'éclaircit la voix.

- Dan et Jamie sont là. Ils nous ont rejoint pour les vacances.

Je ne fus pas certaine d'avoir bien compris.

- Dan..., répétai-je lentement. Danick ?

- Ouais.

Une énorme secousse m'ébranla. Un drôle de bourdonnement envahit mes oreilles tandis que je me figeai, fixant l'extérieur au travers du pare brise. Mon cerveau avait soudainement ralenti, m'empêchant de penser convenablement.

- Alie ? T'es toujours là ?

Je dus faire un effort surhumain pour me concentrer.

- Oui. Oui, je suis toujours là.

- Est-ce que ça va ? S'inquiéta Romain. Je comprendrais que ça te pose un problème mais...

- Non, non, m'empressai-je de démentir. Je suis surprise, c'est tout.

Mon cousin laissa flotter un léger silence sceptique.

- Ok. Tu es sûre que ça va aller ?

- Oui, je t'assure. J'ai hâte de commencer ces vacances.

- Fais attention à la route.

- Promis. A tout à l'heure.

Je raccrochai, la main tremblante. Je me demandais furtivement si je n'étais pas victime d'hallucinations auditives. Romain venait-il vraiment de m'annoncer que Danick était en France ? Sur mon lieu de vacances, plus exactement ? Je ne parvenais pas à croire que j'allais le revoir dans quelques heures. Passer une semaine complète à ses côtés. C'était trop beau pour être vrai. Trop...insensé.

Mon cœur sembla prendre l'ampleur de cette annonce en même temps que mon cerveau. Il se mit à battre furieusement tandis que mon esprit s'emballait. J'allais revoir Dan. J'allais revoir Dan. J'allais revoir Dan ! Cette petite phrase complètement incroyable tournait en boucle dans ma tête. L'image de son visage, de ses yeux couleur d'ambre, de ses lèvres douces et pleines, flottèrent devant mes yeux, me provoquant instantanément des palpitations. J'allais à nouveau entendre sa voix, lui parler, le voir sourire. Peut-être même sentir son merveilleux parfum, le toucher...

Je ressentis brusquement un coup au cœur. La gêne et le malaise remplacèrent mon enthousiasme. Qu'est ce qui me prenait ? Et Matt, dans tout ça ? J'eus honte de moi-même. Et soudainement peur. Qu'est ce que tout ça impliquait ? Devais-je prévenir Matt ? Je n'imaginais que trop bien sa réaction. Il ne serait pas enchanté et ce n'était rien de le dire. Lui cacher ? Ça me rendait malade. Alors quoi ?

Je fus tentée de renoncer à mes vacances. Tant pis, j'attendrais que Matt soit en congés pour en profiter. J'allais rentrer chez moi, inventer un bobard pour expliquer à ma famille que je ne pouvais pas les rejoindre. C'était mieux comme ça.

A cette pensée, j'eus envie de pleurer. Je me forçai à inspirer et expirer lentement afin de reprendre mes esprits et de calmer les battements erratiques de mon cœur. Non, je ne pouvais pas faire ça. Rien de ce que je pourrais inventer ne serait plausible. Je devais relativiser, prendre du recul. Tout allait bien se passer. J'aimais Matt. Je saurais me contenir, j'étais adulte après tout. J'allais passer une semaine de vacances reposante et conviviale, entourée de mes amis et de mon ex petit ami. D'accord. Dit comme cela, c'était largement surmontable.

Oui. Tout allait bien se passer.

Dans un état second - ce qui n'était pas la meilleure façon d'arriver en un seul morceau à destination - je démarrai la voiture. Direction des vacances plus inattendues que prévu.