Je faisais les cent pas dans mon salon, angoissée. Nous étions le soir de Noël et je me sentais paniquée à l'idée de me retrouver en famille, sans lui à mes côtés. J'avais pensé à mes parents toute la journée ; comme chaque année, exceptée la dernière, Noël se transformait en anniversaire funèbre. J'avais traîné un bon moment au cimetière, frigorifiée mais anesthésiée. Si seulement j'avais pu vivre sous morphine...
Je songeai aux différentes excuses dont je pourrais me servir pour me dispenser de me rendre à ce réveillon. Mais aucune ne tenait la route. Et Romain n'hésiterait pas à venir me chercher avec perte et fracas. J'étais coincée.
Je descendis donc jusqu'à ma voiture en traînant des pieds. Chose peu commune, je roulais largement en dessous des limitations de vitesse jusqu'à chez Catherine et Bernard. Alors que je descendais de voiture, je sentis mon stress augmenter et mon rythme cardiaque accélérer. Quand mes yeux se posèrent sur le petit muret blanc, le souvenir de son regard sur mes jambes, lorsque j'étais sortie de la voiture, sembla s'imprimer sur ma rétine. Ce regard unique, qui à chaque fois me provoquait des picotements partout dans le corps, qui faisait s'enflammer mon sang et s'affoler mon cœur. La pierre qui l'avait remplacé sembla s'alourdir un peu plus et je vacillai. Je dus me rattraper à la rambarde pour ne pas perdre l'équilibre. J'inspirai profondément et essayai de me composer un visage, sinon joyeux, au moins normal. J'entrai par la cuisine et tombai sur Catherine. Elle m'embrassa chaleureusement, tout en me reprochant gentiment mon retard, et m'invita à rejoindre les autres au salon. J'eus envie de lui demander si je ne pouvais pas plutôt repartir et ne pas revenir, mais je me retins.
S'ensuivirent quinze à vingt longues minutes pendant lesquels je dis bonjour à chaque membre de la famille en faisant semblant d'être heureuse de les voir. Personne ne semblait remarquer que j'étais au bord de la crise d'angoisse. Je parvins jusqu'à David, Romain et Margot et pus enfin reprendre mon souffle. L'apéritif fut interminable, jamais soirée en famille ne m'avait paru aussi longue. Assise à table, je venais de terminer difficilement mon entrée. Je n'avais pas faim, je me sentais absente et étrangère. Et je pensais à lui. Réveillonnerait-il en famille dans quelques heures ? Serait-il entouré de ses proches ? Je revis la photo de ses parents et de ses frères et sœurs qu'il m'avait montré un soir à l'hôtel. Sa famille dégageait une telle tranquillité et tellement d'amour que j'avais immédiatement eu envie d'en faire partie. Il m'avait raconté les noëls canadiens et je visualisais très bien la scène : le feu de cheminée, la maison décorée de petits anges en porcelaine et de chaussettes tricotées, le sapin envahi de cadeau, ses parents, son frère, sa sœur, leurs conjoints sans doute, et leurs enfants assis autour de la dinde. Et lui, qui s'amusait avec ses neveux et nièces, un sourire tendre et enfantin sur son visage parfait. Mon estomac se tordit douloureusement. Mon oncle Jacques choisit ce moment là pour m'apostropher :
- Alors, ma belle, il est où ton Roméo ? Demanda t-il avec un sourire qu'il voulait complice.
Une violente nausée me souleva de nouveau l'estomac et je serrai les dents. J'avais du mal à respirer, mes poumons étaient compressés.
- Dans sa famille, répondis-je sans desserrer les dents. Excusez- moi, ajoutai-je en me levant.
Je sortis rapidement du salon et me dirigeai vers la terrasse. J'inhalai une grande bouffée d'air frais, attendant que la nausée passe. Je fis quelques pas et m'assis sur le banc en fer forgé. La porte fenêtre s'ouvrit de nouveau et Romain me rejoignit. Il me tendit mon manteau, qu'il avait pris soin de prendre avec lui.
- Tiens, tu vas prendre froid.
- Merci.
J'enfilai ma veste tandis que mon cousin s'asseyait à mes côtés.
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Canada Blues 2
General FictionLe cœur brisé et séparés par un océan, ils tentent de reconstruire leur vie. Entre coups du destin et chemins qui se croisent, découvrez la suite des aventures d'Alicia et Danick.