Vendredi 30 août 2013

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Assise derrière mon bureau, j'avais l'esprit ailleurs. Impossible de me concentrer sur les plannings d'entrainement. Je me sentais mal à l'aise, pas à ma place. Je n'aurais jamais pensé que cela puisse m'arriver au sein de l'Harmonium et encore moins au club.

C'était comme si j'avais développé une sorte d'allergie au hockey et à tout ce qui s'y rapportait. Chaque fois que je passais les portes du club ou que je voyais un quelconque article sur les Condors, ma respiration devenait erratique et je manquais d'air. Depuis la rentrée, je n'avais pas assisté à un seul entraînement ou match et j'avais encore moins suivi les résultats. Ça aussi, ça aurait été inimaginable il y a quelques mois.

S'il n'y avait eu que ma soudaine révulsion pour le hockey, passer tous mes vendredis dans ce bureau aurait peut-être été supportable. Mais chaque couloir, chaque pièce étaient hantés ; par son image, son odeur, sa présence, si belle, si unique. C'était comme si j'étais constamment en apnée et je me demandais souvent si mon cerveau continuait d'être suffisamment irrigué. Vu ses piètres performances de ces temps derniers, j'en doutais.

Je ne pouvais plus travailler ici. Je devais me cantonner au studio de danse et tirer des balises « scène de crime » à chaque porte du club. Je n'avais plus envie de côtoyer ces lieux. C'était au dessus de mes forces.

Vers 16h, je me dirigeai donc vers le bureau de Monsieur Carlain, le directeur de l'Harmonium. Sur le chemin, je me persuadai que ma décision était la bonne. Et elle collait parfaitement à ma résolution de ne vivre que pour la danse. Et de devenir championne. Je frappai à la porte du bureau et Monsieur Carlain m'invita à entrer.

- Excusez moi, Monsieur, puis-je vous déranger quelques minutes ?

- Oui, bien sûr, Alicia, répondit-il en me désignant la chaise devant son bureau. Que puis-je faire pour vous ?

Je décidai d'aller droit au but.

- Je souhaitais vous demander s'il vous serait possible de me détacher sur une autre activité que le hockey club?

Le directeur me regarda avec surprise.

- Vous ne vous plaisez plus au club ? S'est-il passé quelque chose de particulier ?

- Non, Monsieur, tout se passe bien, assurai-je. Il s'agit simplement de mes...envies professionnelles, si je puis dire.

- J'étais pourtant certain que vous vous y sentiez comme chez vous, dit-il.

- Je pense en avoir fait le tour. J'aimerais expérimenter d'autres choses.

- Cela aurait-il un rapport avec le départ de Monsieur Ménard ? Continua Carlain, en me regardant par-dessus ses lunettes, perspicace.

Je tentai de garder un visage impassible.

- Excusez-moi, mais ceci est d'ordre privé.

- Comme vous voudrez, dit-il avec un petit sourire. Quand souhaiteriez-vous arrêter ?

- Le plus tôt possible.

- Vous êtes bien consciente que cela ne se fera pas en quinze jours ?

Quinze jours me semblaient déjà être une éternité.

- Je pensais que...vous pourriez peut-être essayer d'accélérer les choses ? Avançai-je.

- Je dois en discuter avec Monsieur Lannaux, répondit Carlain. Votre contrat prévoit un préavis en cas de départ. Sans compter qu'il faudra vous trouver une autre place.

- Je prendrais celle de la personne qui me remplacera, proposai-je.

Carlain me dévisagea avec une expression que je ne parvins pas à déchiffrer.

- Vous ne souhaitez pas être réaffectée sur une activité en particulier ?

- Non, faites au plus simple pour vous.

L'idée de me retrouver aux entrées piscine / patinoire me déprimait d'avance mais ce serait toujours mieux que de manquer d'étouffer à chaque instant.

- Très bien, je vais voir ce que je peux faire. Je vous tiendrais au courant. Rapidement, ajouta t-il en anticipant mon insistance.

- Merci. Dois-je prévenir Monsieur Lannaux ?

- Effectivement. Il serait mieux qu'il l'apprenne par vous.

- D'accord. Bonne journée, conclus-je en prenant le chemin de la sortie.

- Également.

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