ALLÔ BABE / SNEAZZY

58 - MOHAMED

28 septembre 2021, 23:49. Paris (France).

Je ricane et je secoue la tête quand ce con de Deen me tend son joint. Mon geste le fait râler.

Deen: Pourquoi tu t'interdis de vivre comme ça?

Je souris simplement et ne lui réponds pas. Il est complètement défoncé — il a trop bu et trop fumé — alors je ne vais pas perdre mon temps à débattre avec lui sur des paroles qu'il ne pense même pas. Et puis j'ai mes raisons, je sais très bien pourquoi je fais ça — ou plutôt que je ne le fais pas — alors même s'il le pensait ça ne me toucherait pas.

Il secoue la tête et il fait passer le joint à Ivan. Ce dernier squatte souvent dans notre studio en ce moment puisqu'il va feat avec quelques gars de l'équipe sur son prochain album qui sort en janvier.

Moi: Alors vous en êtes où avec votre son les gars? demandai-je à Alpha et Ivan qui discutent pendant qu'il fume. 

Ivan: Bientôt fini mon gars, tu veux écouter? répond-il avec un grand sourire, déjà dans un autre monde.

Moi: Non, j'attends que vous l'ayez terminé.

Alpha: Vas-y, arrête de nous déranger alors tu seras gentil.

Je rigole et je me remets à écrire mon son. J'ai un son que je traine depuis cet été et que je n'arrive pas à terminer. Quelque chose m'empêche de mettre un point final à ce texte.

Ken: Aide-moi à trouver une excuse pour m'échapper d'ici, me dit le grec en me chuchotant dans l'oreille.

Je souris en coin et je hausse les sourcils.

Moi: Tu peux plus te passer d'elle, dis-je en riant.

Ma remarque fait soupirer mon pote. J'ai très rapidement capté le vice entre lui et Mona, ils n'ont pas pu me cacher leur relation très longtemps. Je suis donc le seul — à ma connaissance — à être au courant pour eux. Je n'étais pas forcément ravi par la nouvelle au départ, je connais le fennek et je ne voulais pas qu'il brise le coeur de celle que je considère comme ma petite soeur, mais plus le temps passe et plus je pense qu'ils sont très bien ensemble. Il l'apprécie beaucoup plus qu'il ne pourra jamais l'avouer.

Moi: On peut partir si tu veux, je dois voir Karolína de toute façon. J'te couvre.

Ken: Tu gères mec.

Je lui fais un clin d'oeil et je me lève du canapé sur lequel j'ai passé les dernières heures, je commençais à m'enfoncer dedans.

Moi: Vas-y Nek et moi on va bouger, dis-je à l'intention des gars.

Ils ne posent pas de question, on les salue simplement et on part après avoir rassemblé nos affaires.

Une fois dehors, Ken soupire et passe sa main dans ses cheveux qui commencent à devenir plutôt longs. On marche en direction de l'arrêt du métro, on vient rarement au studio en voiture.

Ken: Ils commencent à se douter que j'ai quelqu'un, je vais bientôt épuiser toutes mes excuses...

Moi: Il est peut-être temps de le dire à tout le monde.

Il secoue doucement la tête.

Ken: Mona veut attendre d'en parler à Nélya d'abord...

Moi: Elle attend quoi?

Ken: J'sais pas, elle a peur à cause de l'histoire d'Amel...

Moi: Mais Nélya et Amel étaient même pas vraiment potes, elle en a rien à foutre.

Ken: C'est ce que je lui dis mais j'sais pas, elle panique. Elle veut aussi attendre le retour de Lola mais vas-y quoi.

Moi: Ah ces femmes... elles sont compliquées.

Suite à ces paroles, mon pote tourne la tête vers moi et il fronce les sourcils.

Ken: Y a un truc avec Karolína?

Moi: Non, tout va bien, dis-je en haussant les épaules.

Ken: Mais...? me questionne-t-il.

Moi: Mais rien. Tout va bien, point.

Il m'offre une grimace et il baisse le regard sur le sol.

Ken: Écoute, faut pas m'en vouloir pour ce que je vais te dire... Je veux manquer de respect à personne. Je sais que vous êtes tous les deux dans une relation sérieuse et que vous passez chacun à la seconde dans votre relation respective... mais je sais que Nélya et toi vous allez finir par vous remettre ensemble un jour. Vous vous leurrez pour l'instant mais je le vois dans vos yeux. Je t'aurais jamais dit ça y a 6 mois mais après cet été, j'en suis sûr.

01:34

J'ouvre la porte de mon appart et je suis surpris en voyant des sacs dans l'entrée. Je rentre à l'intérieur et j'enlève mes chaussures ainsi que ma veste avant de chercher Karolína. Je le retrouve assise sur le canapé du salon et je ne comprends pas tout à fait pourquoi elle est en larmes. Son mascara a coulé sur ses joues, ça me fait presque peur de la voir comme ça. Je me demande ce qui s'est passé, quelque chose est arrivé à ses parents?

Lorsqu'elle m'entend arriver, elle se lève du canapé et elle court dans mes bras. Je la serre fort contre moi et je la laisse pleurer un moment en lui offrant uniquement ma présence et mon réconfort.

Moi: Y a quoi babe? demandai-je après un moment.

Karolína: Je suis désolée...

Je m'éloigne d'elle et je la questionne du regard. Elle baisse les yeux sur ses pieds et elle hausse les épaules.

Karolína: J'peux pas faire ça, je suis pas prête... dit-elle avec une voix brisée.

Moi: Faire quoi?

Karolína: Ça, tout ça. Cette relation. J'ai pas été honnête Mohamed et je m'en veux.

Moi: Écoute, vas falloir être plus claire. Je comprends pas où tu veux en venir.

Je hausse légèrement le ton.

Karolína: Je te quitte Mohamed. Je peux plus faire semblant. J'ai jamais arrêté de me droguer. J'me sens pas capable d'être mère ni même d'assumer le rôle de belle-mère pour Léna. C'est trop de responsabilités que je peux pas assumer maintenant, surtout pas en te mentant. Je veux d'abord m'occuper de moi-même avant de vouloir être en couple ou devenir mère. Je vais aller dans un centre pour recevoir l'aide dont j'ai besoin, mes parents vont m'y emmener. Ne gâche pas ta vie à m'attendre, tu trouveras quelqu'un qui sera à la hauteur de tes attentes.

Face à sa crise existentielle, aucun mot ne me vient. Je ne m'attendais pas à recevoir cette nouvelle. Hier elle était folle amoureuse de moi et on avait un avenir ensemble, aujourd'hui elle me quitte avec 1001 questions dans ma tête. Je la regarde dans un silence pesant et je finis par hocher la tête. Je n'avais rien vu venir.

Karolína: Je comprends, je m'attendais à cette réponse. Je suis vraiment désolée, je sais que ça sort de nulle part mais je gardais ça en moi depuis bien trop longtemps. Vaut mieux que ça arrive maintenant plutôt que je te laisse avec un gosse à élever tout seul parce que je n'aurais pas le courage d'assumer cette vie-là.

Elle embrasse ma joue, les siennes baignées de larmes, et elle s'en va. Pour la dernière fois, je vois son sourire triste avant qu'elle ne me laisse seul. Je ne prends même pas la peine de la raccompagner, je m'assois simplement sur mon canapé, le regard dans le vide et la tête pleine.

03:02

Elle m'ouvre la porte, vêtue d'un simple short de pyjama rose et d'un débardeur blanc. Elle se frotte les yeux avec ses poings avant de croiser les bras sur sa poitrine.

Moi: Désolé de débarquer comme ça... t'es seule?

Nélya: Oui, pourquoi? Y a quoi? T'as pas l'air en forme...

Je souris tristement.

Moi: J'peux entrer?

Nélya: Ouais, bien sûr.