Chapitre 28 : Plaie ouverte (Ana) ✔️

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Je suis dans ma chambre, étendue sur mon lit, occupée à fixer le plafond.

Je rumine encore et encore les commentaires désobligeants que m'a dits M. Prévost, ne pouvant me les enlever de la tête.

Étrangement, ça m'a fait mal.

Ce qui m'a blessée le plus dans ses dires n'était pas d'apprendre que Félix ne s'est jamais réellement soucié de ma personne, mais bien ce qu'il a lancé sur mes parents.

Qu'ils ne voulaient plus de moi.

C'est idiot, car je sais que c'est faux.

N'empêche, une infirme partie de moi ne peut s'empêcher d'être d'accord avec lui.

Mon père devait être heureux de constater mon départ, soulagé même.

Soulagé parce qu'il n'avait plus à faire semblant que rien ne s'était passé ce soir-là, que tout n'était pas de ma faute.

Car je sais que ça l'est.

Peu importe ce que l'on me dira pour me faire déculpabiliser, rien n'y changera.

Parce que je sais ce qui s'est passé.

J'étais là.

Pas eux.

Ils n'ont pas vu ce que j'ai vu.

Ils n'en traineront pas le souvenir jusque dans leur tombe.

Mais j'aurais beau me faire tous les reproches du monde, cela ne servirait à rien.

Cet homme a réussi à m'atteindre d'une manière dont peu y parvienne.

Il a su savoir où frapper sans vraiment chercher.

Ce type ne me connait pas, mais il arrive quand même à me faire du tort.

Il a remué le couteau dans une plaie déjà ouverte qui n'a jamais réussi à cicatriser.

Si je ne passe pas à autre chose, elle n'en aura pas même un jour l'occasion.

Mais comment faire après ce que j'ai vu ?

Après ce que j'ai vécu ?

Voir la mort d'aussi près ne m'a pas dérangé tant que ça, c'est la personne qui y est resté qui m'a détruite de l'intérieur.

Savoir que je n'aurai plus jamais l'occasion de la serrer dans mes bras, de sentir l'odeur de sa peau, de ses cheveux.

Ne plus jamais recevoir ses tendres baisers pour tenter de me réconforter, de me consoler.

Avoir conscience que je ne pourrai plus un jour entendre le timbre de sa magnifique voix, elle qui savait chanter comme personne d'autre ne le pouvait.

Elle aurait pu en faire une carrière et devenir célèbre, mais elle a refusé pour rester auprès de sa famille, auprès de nous.

C'était la femme la plus aimante et chaleureuse que j'ai eu la chance de connaitre dans ma vie.

En un simple regard, elle arrivait à déterminer mon état d'âme.

Même avec toute la « formation » que j'ai eue pour camoufler mes émotions, elle arrivait chaque fois à savoir ce que je ressentais.

Cela m'a toujours exaspérée auparavant, mais plus aujourd'hui.

Plus depuis que je l'ai perdue, il y a de ça neuf ans.

Neuf ans que mon existence a changé du tout au tout, qu'elle n'est plus la même.

Je sais qu'elle aimerait que je passe à autre chose et ne gâche pas ma vie à ruminer le passé, mais c'est plus fort que moi.

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