Prologue

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Busan,
Janvier 2015


Le député Park Jae-sok était assis à l'avant du véhicule côté passagers pendant que son épouse Park Hee-sun était installée à l'arrière, aux côtés de leur fils. Le jeune Park avait le regard perdu dans le vide. L'ambiance dans la voiture était pesante, aucune des personnes présentes ne parlait, chacune enfermée dans leurs bulles.

Après avoir roulé durant presque une heure, la berline noire passa enfin les grilles de l'Asile Mémorium Hospital de Busan. Ils longèrent l'allée de gravier jusqu'à l'entrée du bâtiment. Le véhicule se stoppa et les passagers détachèrent leur ceinture pour quitter le véhicule, toute à l'exception de Park Jimin. Le fils du député était pétrifié. Il savait qu'au moment où il descendrait de cette voiture, il ne pourrait plus jamais quitter cet endroit.

Descend ! ordonna le député avec autorité en ouvrant la portière.

Le jeune garçon détacha sa ceinture et descendit à son tour. Il leva les yeux et se retrouva face à un immense bâtiment en pierre. En haut des trois marches, devant l'imposante porte en bois se trouvait deux femmes. L'une d'elle était vêtue comme une infirmière tandis que la plus vielle portait en ensemble smoking noir et blanc. L'infirmière offrit à Jimin un sourire rassurant qu'il s'efforça de lui rendre tandis que l'aîné le dévisagea comme s'il était une bête de foire.

Après ce qu'il sembla une éternité, les deux femmes descendirent les marches et virent saluer le député et son épouse.

Mesdames, je compte sur votre plus grande discrétion, exigea l'homme.

Bien entendu, Monsieur, le rassura la plus vieille des deux femmes.

Tu t'appelles Jimin, c'est ça ? demanda l'infirmière avec un sourire bienveillant.

Oui.

— Très bien, tu vas pouvoir venir avec moi, l'incita la jeune femme.

Jimin bougea négativement la tête et se tourna vers sa mère qui se tenait sur sa droite.

Maman, je vous en supplie, ne le laissez pas m'enfermer ici, supplia le garçon en joignant ses mains.

C'est pour ton bien, répondit la femme sans regarder son fils.

Je ne suis pas fou ! S'il vous plaît, vous devez me croire ! sanglota le garçon. Je vous en sup-

Ça suffit ! beugla Jae-sok. Tu vas suivre cette infirmière et faire tout ce qu'elle te dit. Suis ton traitement et peut-être que tu pourras sortir d'ici un jour.

Mon traitement ? Je ne suis pas fou ! Je n'ai pas besoin d'un traitement ! refusa le garçon.

Avant qu'il n'ait le temps de réagir, la main de son paternel vint s'abattre sur son visage. La force du coup fut si grande que l'adolescent fut projeté au sol. Ses yeux s'inondèrent de larmes qu'il ne put retenir. Ce n'était pas la première fois que son père le frappait, alors ce n'était pas ça qui le faisait pleurer. Ce qui venait de briser son cœur, c'était de réaliser que sa propre mère n'osait pas le regarder dans les yeux. Elle ne voulait pas le croire. Elle préférait l'enfermer dans un asile que croire en ses mots qui étaient vrais, il n'était pas fou.

Monsieur le député, je vous demanderais de ne plus lever la main sur votre fils ! intervint la femme qui semblait être la directrice de cet endroit.

C'est encore mon fils, je fais ce que bon me semble, cracha l'homme avec colère.

Peut-être, mais vous avez signé un contrat, à présent le jeune Park est sous ma responsabilité. Il est donc de mon devoir de veiller à sa sécurité.

Vous pouvez le garder. Je ne veux plus jamais le revoir, trancha le député en tournant les talons.

Jimin était toujours sur le sol. Lorsqu'il entendit la portière claquer, il leva enfin les yeux et croisa pour la première fois depuis des semaines le regard de sa mère. Ces yeux identiques aux siens qui ne l'avaient pas regardé depuis le diagnostic de ce psychiatre.

Levez-vous, je vais vous aider, intervint l'infirmière en l'aidant à se relever.

Je vous laisse dire au revoir à votre mère. Nous vous attendrons là-bas, fit la doyenne en désignant le marches derrière elle.

Je pense que nous nous sommes tout dits, déclara Jimin en regardant sa mère droit dans les yeux.

Jimin, murmura cette dernière en faisant un pas vers lui.

L'adolescent recula et détourna le regard en sentant une larme rouler sur ses joues.

Guérie vite mon fils, l'implora cette dernière. Ensuite, tu pourras revenir auprès de ta famille.

Je n'ai pas besoin de guérir, je ne suis pas malade.

Sur ces dernières paroles, Jimin tourna les talons et alla rejoindre les deux femmes qui l'attendaient patiemment. Son cœur lui hurlait de supplier sa mère de l'emmener avec elle, mais il savait que c'était peine perdue. En vingt ans de mariage, Hee-sun n'avait jamais tenu tête à son époux. Lorsque celui-ci avait décidé d'interner leur fils, elle n'avait même pas protesté. Elle avait simplement accepté la situation sans même chercher à savoir si son fils disait vrai.

Vous êtes prêt ? demanda la directrice.

Je n'ai pas vraiment le choix, souffla Jimin.

L'infirmière lui offrit un autre sourire rassurant et ouvrit la grande porte en bois. Le garçon souffla un bon coup pour se donner du courage et entra dans le bâtiment. Il avait compris, à la minute même ou son corps avait passé l'entrée de cet hôpital psychiatrique, qu'il n'en sortirait jamais.

Il savait que dorénavant, il n'était plus Park Jimin le fils du député, il était devenu Park Jimin, l'adolescent schizophrène.

L'adolescent qui entendait la voix de son meilleur ami décédé.

VOICES  ʲᶤᵏᵒᵒᵏOù les histoires vivent. Découvrez maintenant