Chapitre 42: Entre souvenirs et réalité

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Pdv Eve

Je suis perdue entre souvenirs et réalité.

Par ce que maintenant la réalité est aussi douloureuse que les souvenirs.

J'ai mal de vivre, j'ai mal de me souvenirs, j'ai mal.

Mais mourir ne réglerais aucuns de ces problèmes. Alors je m'accroche, même si la douleur que je ressens me tue.

- Je. La première fois, j'avais douze ans. C'était un collègue de mon, père, il m'avait drogué avec du GHB dans la soirée, et il était venue dans ma chambre. Je n'ai rien pu faire, la drogue m'a immobilisé, j'étais comme paralysée. De toute manière je n'aurais rien pu faire. J'étais vierge, vous vous en doutez. J'ai été hospitalisée pendant un mois après ça, je ne savais plus marcher. Mon père n'a rien dit. Ça m'a totalement détruit. Donc je me suis mise à faire conneries sur conneries, quel cliché. Mon père m'a jeté dehors, j'avais 15 ans, c'est là que j'ai commencé les combats dont je t'avais parlé Adam. Je n'avais pas le choix, j'étais seule dans la rue, il fallait absolument que je gagne de l'argent au moins pour manger. Ça a fonctionné, j'ai même pu louer un petit appart à Toronto. Ça me plaisait bien de me battre au début, puis mon entraineur est devenu fou. Ses collègues étaient en fait des hommes de Morel, qui organisaient des combats clandestins. Les centres du Canada sont réputés pour ça je ne sais pas si vous le savez. Michel a été le deuxième. Après un entrainement il n'était pas content de moi. Je n'ai que quelques souvenirs de cette nuit-là. Puis personne n'a recommencé en voyant mes blessures. Puis j'ai eu 16 ans, la majorité sexuelle en France. Quelle blague. Ils auraient dit que j'étais consentante même s'ils risquaient gros, avec le soutien de Morel, ils savaient que je n'aurais rien fait. Ça a recommencé. Ils étaient trois. J'avais toujours du mal à distinguer qui était qui, le soir j'étais toujours tellement drogué que j'avais les yeux à peine ouverts. Mais je savais qu'un des trois ne faisait pas comme les autres, dis-je en retenant mes larmes. Par ce qu'il ne se retirait jamais quand il jouissait. Alors je savais que c'était lui. Je savais. Ça a duré deux mois. Ils disaient que c'était pour mon bien. Je n'avais jamais été aussi forte que durant cette période, j'étais tellement enragée que j'étais devenue invaincu. Personne ne faisait le poids face à moi, par ce que c'était leur visage que je voyais à la place de celui de mes adversaires. A cette époque je n'ai jamais réellement compris. Je savais que ce n'était pas normal. Pas sain. Que c'était inhumain de faire ça à une jeune fille. Mais j'ai compris après que ces personnes-là n'avaient rien d'humaines. C'étaient des monstres sans cœur. Qui prenaient, prenaient, prenaient en moi, sans s'arrêter, chaque soir ils creusaient un peu plus en moi. Chaque soir je me sentais un peu moins vivante. Un peu plus morte. Un peu plus abimée. Mais le lendemain, à chaque fois, malgré les douleurs j'étais sur le ring. Quand ils ont vu que je rapportais gros ils ont décidé de me passer sur des combats, ou la seule issue possible est la mort de l'adversaire. Alors ils se sont un peu calmés, par ce qu'il fallait que je sois en forme. Mais chaque week-end, au moins un des trois venaient le soir, après mon combat. Par ce que ça les excitait de me voir gagner. Et moi, je n'avais qu'à subir et me taire, par ce que si j'avais un toit c'était grâce à eux, si j'avais a mangé c'était grâce à eux. Si je vivais c'était grâce à eux. Par ce qu'à 16 ans tu ne comprends pas réellement qu'en fait c'est un viol. Tu ne comprends pas qu'ils sont censés demander ton putain d'avis ! Par ce qu'à 16 ans tu ne fais pas le poids face à des hommes comme ça. Alors je n'ai jamais rien dit, mais Morel le savait, il l'a toujours su. Il n'a jamais rien dit, rien fait. Alors qu'est-ce que je pouvais faire moi à part fermer les yeux ? Qu'est-ce que je devais dire quand les autres jeunes de mon âge me demandaient pourquoi je boitais dès le matin ? Pourquoi je n'allais pas à la piscine avec eux ? Alors que mon corps était couvert de cicatrices, de trace de leur doigt sur mes hanches, de leur morsure ! Qu'est-ce que j'aurais pu faire ? J'ai eu tellement mal. La douleur physique n'était rien face à celle que j'avais dans ma tête, par ce que dès que je fermais les yeux ils étaient là dans ma tête. Dès que je dormais mes rêves étaient pollués. Je n'étais jamais en paix. Mais un soir, Bonnet est arrivé. Et-je. C'est la première fois que je me suis défendue...J'ai fait tout ce que je pouvais. Mais il avait le double voire le triple de mon âge, de mon poids. Ça été le pire soir de toute ma vie, par ce que c'était pire que d'habitude. Par ce que cette fois-ci il voulait me punir. Puis plus rien pendant des semaines. Jusqu'à ce que je remarque que je n'avais plus mes règles. Jusqu'à ce que je fasse un test de grossesse. Qui était positif. J'ai voulu avorter tellement de fois. Mais je n'en aurais jamais eu la force. Je ne voulais pas que cet être voie pas le jour, même si le jour où il a été conçu a été un des pires de ma vie. J'ai continué les combats jusqu'à trois mois de grossesse. Je ne m'étais jamais battue avec tant de hargne. Par ce que je voulais que personne ne puisse faire du mal à mon enfant. J'ai économisé chaque centime pour lui. A cette époque-là j'ai été stupide par ce que j'ai confié ma grossesse à une fille que je pensais être mon amie. Mais elle est allée le dire aux hommes de Morel. Elle avait fait ça juste pour récupérer mes combats et se faire plus d'argent. Bonnet ne voulait pas que j'avorte. Il voulait voir son enfant grandir, même si ce n'était pas sa femme la mère. Il était tellement heureux quand il l'a appris. Je crois que c'est à ce moment que j'ai pris conscience de ce que j'avais vécu. J'ai essayé de m'échapper en vain. Morel était trop puissant. Mais au moins pendant 7 mois personnes ne m'avaient touchée, alors j'espérais presque qu'il ne sortirait jamais. Mais Liam n'a pas survécu, j'ai toujours pensé que c'était un ordre de Morel de le laisser mourir. Mais je ne sais pas si sa cruauté aurait pu allez si loin. La vérité c'est que je ne veux même pas le savoir. Il a gâché ma vie. Toute ma vie. Par ce que maintenant quoi que je fasse mes blessures me poursuivent où que j'aille, quoi que je fasse. Je suis toujours perdue entre souvenirs et réalité. J'essaye de remplacer ces mauvais souvenirs par des meilleurs. Mais je pense que si je souffre autant c'est que quelque part je le mérite. Je suis dans une spirale infernale. Morel a toujours un œil sur moi, où que je sois, il me poursuit. Mais moi je veux le voir mort. Je veux tous les voir morts. De mes propres mains, je veux que le dernier visage qu'ils voient soit le mien. Pour qu'ils sachent que même s'ils m'ont tant abimée, tant creusée, je suis toujours debout et c'est moi qui les anéantirais. Peut-être que c'est horrible Mais personne ne peut comprendre sans avoir vécu. Parfois je n'ai qu'une envie s'est rejoindre Liam, mais je suis sûr que là où il est, il est bien, il me surveille, il veille sur moi, il ne serait pas fier de me voir abandonner. Alors même si c'est dur je me relève. Je me suis toujours relevée. Mais la différence c'est qu'aujourd'hui vous êtes là. Vous êtes comme mes béquilles. Même si je tombe, si vous êtes là je me relèverais. Par ce que personne avant vous ne m'avez aidé et soutenu comme vous le faites. Et je savais que si vous reveniez me chercher, il y aurait des risques immenses pour vos vies. Je n'ai pas hésité une seule seconde quand ils ont pris Anna. Par ce que sa vie vaut mille fois plus que la mienne. Vos vies valent toutes plus que la mienne. Par ce que moi rien ne me retient. Alors jusqu'au bout je me battrais pour que vous puissiez vivre. Même quelques secondes de plus. Je savais qu'en venant seule sauver Anna, moi je ne pourrais ressortir, sans quelques nouvelles blessures. Et encore une fois les hommes de Morel ont réussi à entacher ma dignité, mon honneur, ma fierté. Par ce qu'encore une fois je n'étais pas consentante. Mais que vaut mon corps face à la vie de ta sœur Adam ? Alors même si je sais que je n'aurais jamais dû y allez seule, au moins elle est sortie, avant qu'ils ne lui fassent quoi que ce soit. Par ce que je préfère me faire violer cent fois, plutôt que ta sœur connaisse ça une seule fois. Elle est ma sœur autant que la tienne. Alors je vous dis à cœur ouvert, ma vie contre la sienne, je suis perdue entre souvenirs et réalité. Mais ma réalité sera toujours plus belle si vous êtes là à mes côtés. Alors oui, j'ai mal, mal de mes viols à répétitions, mal de mon ancienne vie, mal de la mort de mon fils. Mais vous arrivez toujours à panser mes maux. Alors ne vous inquiétez pas. Si vous êtes là tout ira bien. Tout ira mieux. On ne peut plus me faire plus de mal que ce qu'on m'a fait. Je n'ai rien à perdre tout à gagner. Ma vie contre les vôtres, n'oubliez pas. N'oubliez jamais. Si vous devez choisir entre moi ou l'un d'entre vous. Ne me choisissez pas, par ce que si je meurs en vous sauvant, j'aurais réalisé une dernière chose heureuse avant de rejoindre Liam. Peut-être que vous ne vous rendez pas compte. Mais vous m'avez sauvée, en me donnant un travail, un toit, une opportunité de me venger contre les hommes du Canada et Morel, vous m'avez sauvée la vie. Qu'aurais-je fait sans vous ?

Je ne les regarde pas dans les yeux, je ne les regarde pas tout court. Par ce que jamais dans ma vie, avant aujourd'hui je ne m'étais autant livrée. Mais cela m'a fait du bien. J'entends encore les pleurs d'Anna, mais mes yeux restent fixés sur ma tasse vide. Je la pose sur la petite table et me lève.

Je ne les regarde pas.

Je suis perdue entre souvenirs et réalité.

Mais maintenant eux aussi sont dans mes souvenirs. Ils les embellissent, alors cela ne me dérange plus d'être perdue.

Par ce que ce soir je vais me coucher plus légère. Des poids s'envolent de mes épaules, j'ai l'impression d'être plus légère. Même si ce n'est pas encore réellement la réalité, par ce que je ne peux pas leur dire, que j'étais dans le centre, que je suis 009, qu'ils étaient mes formateurs. Une partie de ma vie a été dite. J'ai révélé qui j'étais au fond, ce qui me peser. Mais surtout je leur ai dit à quel point je les aime.

009Où les histoires vivent. Découvrez maintenant