Chapitre 10 : Jolies fossettes

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Le lendemain se passe étonnement bien. À une exception près mais de taille. Je ne vois pas Jared de la journée. Seule Zoey est présente, et ça ne semble pas la perturber. Peut-être que je m'inquiète pour rien.

Chaque jour, je guette avec anxiété le moment où nous risquerons de nous croiser. Dans les couloirs, à la cafète... Mais il ne vient plus. Son absence me déconcerte, plus que je ne le voudrais. Je m'évertue à ne pas penser à lui, et au fait que je suis sûrement la cause de son étrange disparition. Pitoyable.

Le vendredi arrive vite. Et toujours aucune trace de Jared. C'est à croire qu'il a quitté Stanford. À la fin de mes cours, je me rends à la fameuse bibliothèque dont Maia n'a cessé de m'en faire l'éloge. Comme elle me l'a parfaitement décrite, celle-ci est immense et possède de très bons ouvrages. Je m'installe à une table au hasard et tente de me plonger dans Jane Eyre. Je suis ravie qu'il fasse partie du programme cette année car c'est un de mes romans préférés. Malheureusement, mon esprit reste bloqué sur ma dernière rencontre avec Jared. Je n'arrive toujours pas à comprendre son attitude envers moi. Il a été odieux. Le Jared que j'ai connu en Floride ne ressemble en rien à celui de Stanford. J'aurais dû me douter qu'il était trop gentil, que c'était trop beau pour être vrai. À ses yeux, je ne suis qu'une fille parmi tant d'autres, une imbécile en manque d'affection. Tu parles que sa copine l'a trompé, c'étaient des bobards. Il voulait juste m'attendrir. Et ça a marché !

Irritée par l'idée d'avoir été manipulée avec autant d'aisance, j'attrape mes livres, me lève et file vers la sortie. Mais, bien sûr, je trébuche et lâche mes affaires. Avec un soupir, je me penche pour les ramasser lorsqu'un blond aux yeux d'un bleu océanique se dresse devant moi. Surprise par cette soudaine rencontre et la proximité de nos deux corps, je fais un pas en arrière.

- Tu es bien Abbigail ? me demande le type.

Je fronce les sourcils tout en ramenant les livres contre ma poitrine.

- Abby, oui. Mais d'où... d'où tu connais mon nom ?

- On est ensemble en littérature. Tu sais, avec M. Williams.

Je ne l'ai pas remarqué une seule fois depuis le début de l'année. En réalité, je n'ai fait attention à personne. Enfin, presque.

- Oh. (je ris jaune) Donc tu as assisté à mon entrée... fracassante ?

C'est à son tour de rire, laissant apparaître d'adorables fossettes au creux de ses joues.

- Je ne peux pas nier le fait que tu ne passes pas inaperçue, répond-t-il un sourire aux lèvres.

J'ignore comment interpréter sa réponse. Venant d'un garçon aussi mignon je ne peux pas m'attendre à un compliment. Peut-être qu'il me fait marcher ? Ou bien est-ce une caméra cachée ? Prise de panique, je cherche une échappatoire.

- Je... je dois y aller, je m'empresse d'ajouter.

- Oh. Bien sûr. À plus.

Je lui adresse un hochement de tête vaguement aimable et m'éloigne en faisant attention à l'endroit où poser mes pieds. Hors de question de me ridiculiser une seconde fois. Je traverse d'un pas pressé la résidence universitaire jusqu'à ma chambre. En entrant, je tombe sur Maia accroupie par terre.

- Salut, je souffle. Qu'est-ce que tu fais ?

- Oh, j'ai oublié de te dire mais ma mère passe me chercher. Je passe le week-end chez elle.

Je rumine un instant ce week-end précipité. Maia est originaire de Californie, par conséquent, elle peut - aussi souvent qu'elle le désire - rendre visite à sa famille. Je m'assois avec lassitude sur le bord de mon lit, et l'observe mettre ses affaires dans son sac à dos. Au moment même où elle le referme, sa sonnerie de portable retentit.

- C'est ma mère.

Elle m'embrasse sur la joue et sort précipitamment en criant :

- Passe un bon week-end !

À corps perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant