Chapitre 59 : Naufrage

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- T... tellement... dé... désolée.

La voix de ma sœur tremble tellement fort que je peine à la comprendre. Elle a l'air essoufflée, épuisée, au bord du gouffre ; un horrible mélange qui me donne la chair de poule.

- Eïleen, de quoi tu parles ? je halète.

Elle pleure, à présent.

- Dis-moi ce qui ne va pas, j'insiste sourdement.

Même si je préférerais ne rien savoir.

- Abby, c'est... maman.

Un abominable soupçon m'effleure. Je retiens mon souffle. Ses sanglots me vrillent le cerveau, me transpercent. Je veux que ça s'arrête. Que tout s'arrête. Pitié.

- Il... accident. Elle... est... morte.

La douleur est lancinante, insupportable, pareille à une lame que l'on tourne et retourne inlassablement dans une plaie à vif. Jamais je n'ai ressenti une telle chose. J'ai l'impression que l'on m'arrache les membres, un à un, en veillant à ce que la souffrance soit lente. Extrêmement lente.

Ma maman. Morte.

Non, non, non.

Je m'efforce de l'imaginer à la maison, confortablement installée dans le petit fauteuil en cuir du salon en train de lire avec une tasse de thé. Vivante. Le choc est pire que brutal. Il y a moins de vingt-quatre heures, elle était ici, à Stanford, avec moi. Je suis déphasée, complètement déconnectée de la réalité tranchante.

Faites que tout ceci ne soit que le fruit de mon imagination.

Une vague de désolation s'abat sur moi et m'ensevelit, sans compassion. Je ferme les paupières et attends de perdre conscience. Pourtant, rien ne vient. Je m'effondre sur le sol, la main sur la bouche pour étouffer mes sanglots.

À corps perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant