À corps perdu

Chapitre 13 : Chicane

Regardant autour de moi, je m'aperçois que la cafétéria s'est presque vidée. En sa compagnie je perds toute notion du temps, au point de m'égarer. Sans plus tarder, je saute sur mes pieds et attrape mon sac en espérant bien ne plus le croiser de la journée. Ses sautes d'humeur me donnent vraiment le tournis.

Mais, à l'extérieur de la cafétéria, les mains dans ses poches de jean, Jared est nonchalamment adossé au mur. Je retiens mon souffle en le voyant. Ses yeux me balayent de haut en bas comme pour me jauger. Il a l'air encore contrarié. Ne trouvant rien à dire et lui ne prononçant pas un mot, je m'éloigne lentement en direction du bâtiment où a lieu mon cours de littérature.

- Alors comme ça, on s'est rencontrés à la bibliothèque ?

Mon cœur bondit lorsque je m'aperçois qu'il me suit, mais je continue d'avancer.

- Qu'est-ce-que tu veux, Jared ?

Prononcer son prénom me donne des frissons.

- Pourquoi tu as menti à Zoey ?

Bonne question. Pourquoi ai-je menti ? Sûrement pour ne pas évoquer notre rencontre en Floride, je suppose.

- Je... je ne pense pas qu'elle apprécie le fait qu'on ait flirté ensemble, cet été.

Flirté ?!

Bon sang ! À peine les mots sortent-ils de ma bouche que je me rends compte que j'en ai trop dit. À présent, il doit forcément remarquer à quel point je m'intéresse à lui.

- Attends... qu'est-ce que tu viens de dire à l'instant ?

- Tu as très bien entendu, je grommelle en accélérant le pas.

Alors que j'ai déjà traversé la moitié du campus, il me rattrape et m'empoigne par le bras.

- Arrête de me fuir, Abby. C'est inutile.

Je me tourne enfin vers lui, luttant pour garder les idées claires lorsque son regard se plante dans le mien.

- Je ne te fuis pas.

- C'est pourtant l'impression que tu me donnes.

- Eh bien, tu te trompes.

Un sourire malicieux et dévastateur se dessine sur ses lèvres.

- Je ne me trompe jamais. Du moins, rarement, finit-il par dire doucement en se rapprochant de moi.

Instinctivement, je recule. Mais il fait encore un pas vers moi, réduisant ainsi la distance entre nos visages. Je suis paralysée, hypnotisée par l'intensité qui envahit ses prunelles. Mon pouls s'accélère brusquement et ma bouche devient sèche.

- Avoue que tu n'as pas cessé de penser à moi depuis cet été, chuchote-t-il d'une voix qui suffit à m'envoyer de l'électricité dans tout le corps.

Jamais je n'admettrai une chose pareille.

- Je vais être en retard.

Ma voix n'est plus qu'un faible murmure. Ce sont les seuls mots que je parviens à prononcer. Jared plisse les yeux un instant, puis s'écarte.

- Dépêchons-nous alors.

Traverser le campus à ses côtés est bien la dernière chose à laquelle je m'attendais mais, pour la première fois, j'ai la vague impression que sa bonne humeur l'emporte sur son irritation. Pourvu que ça dure...

Quand nous arrivons devant ma salle, je me mets à tripoter nerveusement le bas de mon pull. Je n'ai aucune idée de ce que je dois faire ou même dire. Étrangement, cette scène me rappelle la nuit où nous nous sommes embrassés.

Abby, ressaisis-toi !

Jared ne me laisse pas le temps d'y réfléchir car il tourne les talons.

- À plus tard, ma belle, lance-t-il en s'en allant.

Je l'observe tandis qu'il disparaît entre les étudiants.