Chapitre 57 : Maman

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Les jours passent et s'allongent, me donnant l'horrible impression de ne jamais se terminer. Mes cauchemars sont réapparus mais, dorénavant, ce n'est plus Jesse qui les hante. C'est Jared. Les traits de son visage sont déformés par la haine et il continue de s'éloigner, ignorant mes appels désespérés.

Les larmes mouillent mes joues et le drap lorsque j'émerge.

- Jared te manque, n'est-ce pas ?

Maia est déjà debout, en train de préparer son sac pour ce week-end. C'est l'anniversaire d'un de ses cousins, et elle se doit d'être présente à la fête organisée pour l'occasion.

- Pourquoi tu ne vas pas lui parler ? ajoute-t-elle.

Je replonge sous les couvertures et marmonne :

- Je n'ai rien à lui dire.

Ce qui ne m'empêche pas de penser à lui et de le voir partout où je m'efforce de ne pas regarder. Je l'observe, parfois, parce que je suis incapable de m'en abstenir. Et lorsqu'il nous arrive de nous croiser, malencontreusement, je me montre aussi indifférente à son égard que lui au mien.

Intérieurement, j'espérais peut-être que Jared finisse par fléchir et vienne me trouver parce qu'il désire ma compagnie. Mais il n'en fit rien.

Il ne peut en être autrement. Ça devrait me satisfaire, avant de trop souffrir. Sans oublier que c'est moi qui ai provoqué la situation dans laquelle nous nous trouvons, il serait donc hypocrite de ma part de faire marche arrière. Mais je souffre déjà. Affreusement. À croire que je ne peux pas continuer à vivre sans lui, en dépit de tous les problèmes qu'il m'a apporté.

Quelle bêtasse, tu mérites une paire de gifles !

Au comble du désespoir, je me lève vers onze heures - une fois que Maia est partie -, me traîne vers les douches, puis retourne m'allonger en boule dans mon lit.

Je sursaute lorsque mon portable se met à sonner. Je décroche d'une main lasse, sans vérifier qui est à l'autre bout du fil.

- Allô ?

- Ma chérie ?

Je marque un temps d'arrêt, puis m'écrie d'un seul coup :

- Oh, maman, c'est bien toi ?

Le rire joyeux qui me répond gonfle aussitôt mon cœur d'allégresse.

- Bien sûr que c'est moi ! Tu peux me dire quel est le nom de ta résidence ?

Je me redresse brusquement du lit.

- Heu... c'est la résidence B, mais pourquoi cette question ?

- Eh bien, il se pourrait que je sois venue te faire un petit coucou le temps d'une journée, m'annonce-t-elle avec une note d'excitation dans la voix.

- Tu... pour de vrai ? Ne bouge pas, je... je descends tout de suite !

Sans réfléchir, j'enfile la première paire de chaussures que je vois, glisse les clés dans ma poche de jean et dévale les escaliers comme si je fuyais un incendie.

Ma mère est bien là, en bas des marches ; à Stanford, pour me voir. Je cours dans ses bras et ne remarque qu'après coup le gros plâtre qui lui entoure l'avant-bras droit.

- Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?

- Oh, ça ? dit-elle en balayant l'air d'une main. J'ai fait une chute à vélo.

Elle ne s'est pas loupée.

- Dis donc, tes cheveux ont drôlement poussé, constate-t-elle - pour changer de sujet - en me les caressant. Tu ne voudrais pas les couper un peu ?

À corps perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant