Chapitre 39 : Tenir bon

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- On rentre ? propose Jared lorsque nous sortons de la salle de cinéma.

J'acquiesce, même si j'aurais aimé prolonger le temps. Ce fut les meilleures heures que j'ai passées depuis un long moment. Je n'ai tout simplement pas envie que ça se termine.

Toutes les bonnes choses ont une fin.

Personne ne décroche un mot sur le chemin du retour. Malgré l'agréable souvenir que je garde de cette sortie, je n'arrête pas de penser à l'éventuel retour du couple Jared et Zoey. Je me fais certainement du mouron pour rien, simplement, je suis incapable de garder le secret une seconde de plus. Je dois être fixée. Maintenant.

Quand Jared arrête la voiture sur le parking, je m'éclaircis la gorge.

- Est-ce que le jeu des questions tient toujours ?

Il hausse les épaules.

- Aussi longtemps que nous le voulons.

- Dans ce cas, j'ai besoin de savoir. C'est toi qui as quitté Zoey ?

Un petit rire sec lui échappe.

- Je m'attendais à ce que tu me poses cette question-là, tôt ou tard, marmonne-t-il.

Puis, sans prévenir, il descend de la voiture et referme la portière d'un coup de pied avec une violence inutile. Me débattant avec ma ceinture de sécurité, je m'empresse de le rejoindre, déterminée à obtenir ma réponse.

- Alors ?

- Oui, lâche-t-il en me regardant droit dans les yeux. D'ailleurs, j'aurais dû le faire il y a longtemps.

Ses traits se tordent, comme s'il craignait d'en avoir trop dit.

- Pourquoi ça t'intéresse autant ?

- Simple curiosité.

Il n'en croit pas un mot, et il a bien raison. Je soupire.

- Je t'ai vue avec elle tout à l'heure, je lui avoue. Vous aviez l'air... proches.

- Et ?

- Et rien du tout. C'est juste un constat.

- Ça te pose un problème ?

- Non.

Je m'efforce de me montrer convaincante en prononçant ce mensonge. Mais, une fois de plus, je cède à l'envie d'être honnête.

- Vous avez une relation particulière. Je le sens.

Il passe une main sur son visage, et secoue la tête. Bon sang, j'espère qu'il ne me prend pas pour une folle obsessionnelle.

- Pas comme tu le penses. Zoey compte beaucoup pour moi, c'est vrai, mais elle ne sera jamais plus qu'une amie.

Il serre les lèvres, incertain, puis ajoute :

- Nos familles se connaissent depuis toujours, on a quasiment été élevés ensemble. Mes parents en attendaient beaucoup d'elle et moi. Je sais que ça peut paraître stupide, mais je ne supporte pas l'idée de les décevoir.

- Tu te sens redevable, c'est ça ?

- D'une certaine manière... oui. C'est grâce à eux si ma sœur et moi avons pu retrouver une vie saine... et stable.

- Je suis désolée.

- Ne le sois pas. Je ne veux recevoir de pitié de personne, et surtout pas venant de toi.

Je lui réponds par un sourire timide, ne sachant pas quoi dire, mais cela suffit à le déraidir.

- J'ai beaucoup aimé passer du temps avec toi, dit-il d'une voix rauque.

- Moi aussi. C'était très sympa.

Et je ne parle pas du film, évidemment.

- Qu'est-ce que tu vas faire, maintenant ? s'enquiert-il.

- Heu, voyons voir... probablement retourner dans ma chambre et m'y enfermer avec un bouquin.

- Ça m'a l'air passionnant. Si tu t'ennuies, fais-moi signe. Je serai dans le coin.

J'ai un mouvement de recul.

- Pour parler, je veux dire, complète-t-il en voyant ma mine paniquée.

Je me sens ridicule. Il faut que j'arrête ma paranoïa. Jared ne lui ressemble pas. Il n'est pas lui. Il ne me fera aucun mal. Du moins, pas de cette façon-là. En revanche, il pourrait très bien faire du mal à mon âme.

- J'y penserai.

Je réponds avec trop d'empressement, et il refrène un sourire. Sentant mes joues virer au rose vif, je m'éloigne en direction de la résidence, mais il m'attrape le poignet et me force à me tourner vers lui.

- Juste une seconde, Abby.

Je lui lance un regard interrogateur. Ses doigts m'emprisonnent toujours, comme s'il redoutait que je file. Ça ne risque pas. Soudain, il se penche et dépose un baiser chaste sur ma joue. Ses lèvres chaudes s'y attardent plus longtemps qu'il ne le faut puis poursuivent leur lent tracé jusqu'à mon oreille.

- Bonne lecture, me susurre-t-il.

Lorsqu'il s'écarte, son regard est teinté de malice.

- À... à plus tard, je bredouille.

Plus je passe de temps en sa compagnie, plus il devient difficile de résister. Ce qui signifie que je ne vais pas tarder à lâcher prise.

À corps perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant