Chapitre 58 : Mauvaise idée

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Le soir venu, alors que la plupart des étudiants s'est décidée à sortir faire la fête, je m'enferme telle une recluse dans la chambre avec pour seule compagnie : mon ordinateur. Vêtue de mon pyjama XXL, je lance une série Netflix. Mais je n'arrive pas à me concentrer. Un rien me distrait. Mon esprit divague, ici et là. Je songe aux paroles de ma mère et me dis que j'ai peut-être été trop dure avec Jared.

Je l'imagine allongé à côté de moi, en train de commenter la niaiserie des répliques de ma série, ses longs bras forts autour de ma taille et sa bouche chaude remuant contre ma joue. Ma poitrine se comprime. Je ne peux pas croire que tout soit définitivement terminé. Je refuse d'y croire.

Toute cette histoire me laisse un goût d'inachevé. Certes, le statut indécis de notre relation a engendré de nombreux désaccords et moments d'égarement - c'est le cas encore aujourd'hui. Sauf que, en vérité, je veux lui donner une chance de se rattraper, de me montrer que ça en vaut la peine et que rien n'est perdu.

C'est risqué.

Mais c'est tentant.

Tu joues avec le destin.

Je préfère mettre en péril mon bonheur plutôt que de rester dans une impasse.

Tu t'en mordras les doigts.

J'enfile un survêt gris avant de sortir tout en intimant intérieurement à la voix de ma conscience de se taire. Mon instinct me hurle de faire demi-tour mais je l'envoie balader.

Je me retrouve devant la porte de Jared, frappe trois coups et attends, quand des faibles gémissements me parviennent de l'autre côté de la porte. Une peur irrationnelle m'envahit et me glace le sang. Est-ce que...

La porte s'ouvre soudainement sur Evan - en tenue minimaliste, dans son plus simple appareil - alors que j'envisage de prendre la fuite. Ça alors ! J'ai le chic pour me fourrer dans des situations incongrues. Mal à l'aise, je détourne la tête.

- Bien le bonsoir, ma jolie, roucoule-t-il sans la moindre gêne apparente. Tu tombes au mauvais moment. Je suis comme qui dirait un peu occupé.

C'est ce que j'ai cru entendre. Et quelque chose me dit que la fille cachée sous l'édredon du lit y est pour beaucoup.

- Où est Jared ?

Un sourire diabolique emplit d'impureté naît sur ses lèvres. Je n'aime pas la façon dont il me regarde, comme si j'étais une pauvre petite proie sur le point de se faire dévorer.

- Qu'est-ce que ça peut te foutre ? Tu l'as plaqué comme un malpropre. En parlant de ça, j'aurais plutôt pensé que ce serait l'inverse... Il faut croire que j'avais tort. Décidément, tu es étonnante.

- Où est Jared ! j'aboie, fulminante.

La perte de mon sang-froid ne fait qu'amplifier son amusement malsain. Pourtant, alors que je m'attends à ne recevoir aucune aide de sa part, il répond avec un calme olympien :

- Va faire un tour à la fête de fraternité, peut-être que tu l'y trouveras.

Évidemment. Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ? Sans perdre une seconde, je m'élance vers la fête à laquelle j'avais initialement prévu de ne pas mettre un seul bout d'orteil. Ironique, n'est-ce pas ?

Il est vingt-deux heures passées quand j'arrive sur place. Postée à côté d'un fût de bière, j'examine la soirée qui se déroule à la fraternité. Mêmes têtes, mêmes attitudes lascives, mêmes musiques. Ça en devient presque lassant. On dirait un vieux disque rayé.

À corps perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant