À corps perdu

Chapitre 27 : Enfantillages

Le volume sonore me fait déjà peur lorsque nous arrivons. Dylan se gare sur le côté de la rue animée et j'observe la masse d'étudiants dansant, buvant sur la pelouse mais aussi à l'intérieur des grands blocs de maisons où le nom de la fraternité est écrit en lettres saillantes : Phi Kappa Psi. Les quelques soirées où Ava m'a entraînée de force en Floride ne sont rien comparées à ce que je vois là.

Dans quoi tu t'es embarquée ?

Ma gorge se serre. Pourquoi ai-je cédé à l'insistance de Maia ? Je commence à le regretter amèrement. Celle-ci ouvre la portière et descend de la voiture, je l'imite avec beaucoup moins d'assurance.

- Reste près de nous si tu ne veux pas te perdre, me conseille Dylan avec un clin d'œil.

Je hoche la tête en silence, m'efforçant de ne pas succomber à la panique. Les jambes flageolantes, je les suis de près à l'intérieur. Je n'arrive pas à croire que je suis en train de rentrer dans mon cauchemar, d'y plonger même.

Nous nous arrêtons devant une table jonchée de bouteilles de bières. Il y en a tellement que je ne sais même plus où donner de la tête. En face, un petit groupe hilare - loin d'être sobre - s'approche et tape dans la main de Dylan. J'en déduis que ce sont ses amis. Restée en retrait avec Maia, je ne me sens définitivement pas à ma place au milieu de tous ces gens complètement ivres et à moitié conscients de leurs actes. Je me résigne à m'asseoir sur un des sièges autour de la table, mal à l'aise.

Ça fait un quart d'heure, minimum, que je suis assise là comme une sombre gourde à scruter chaque personne qui passe, quand Jared apparaît dans mon champ vision. Il est en pleine discussion avec une brune outrageusement maquillée et je suis certaine de pouvoir entendre leurs rires de là où je me trouve. Cette dernière passe la main dans ses cheveux et prend la pause, déployant ses charmes afin de capter son attention et peut-être même plus. Brusquement, j'éprouve un besoin urgent de frapper quelque chose.

- Qu'est-ce qu'il fiche là ? je siffle à l'oreille de Maia, ne pouvant contenir les accents furieux de ma voix.

Elle suit mon regard et hausse les épaules.

- C'est une fête de fraternité, Abby. Tout le monde y vient.

- Hum..., je marmonne.

J'aurais dû m'en douter. Évidemment que Jared est présent aux soirées - en bonne compagnie.

- Ignore-le.

Plus facile à dire qu'à faire. Encore plus difficile lorsqu'il se trouve à exactement moins d'un mètre de moi. C'est la première fois en plus d'un mois que je me retrouve aussi proche de lui. Je ne sais pas s'il a aussi remarqué ma présence mais, si c'est le cas, il m'ignore royalement. Pour cause, il est beaucoup trop absorbé par la brune en question - à moins que ce soit la vue plongeante de son décolleté. D'un seul coup, il l'attrape par les hanches et se colle à elle, faisant onduler son bassin au rythme de la musique. Ils se frottent l'un contre l'autre. J'essaie de ne pas paraître choquée mais, en réalité, je le suis. J'ai l'impression de découvrir une autre facette de Jared. Une facette plus bestiale. Je n'aime pas ça du tout. Aimerait-il si je me mettais à me trémousser de cette façon contre lui ? Ou contre quelqu'un d'autre ? Bien sûr, ce n'est pas absolument pas mon genre. Et je suis certaine qu'il le sait.

Maia me donne un coup sec entre les côtes, m'obligeant à détourner le regard.

- Arrête de le regarder.

Malgré moi, je reprends mon examen mais je me rends compte avec horreur qu'ils ont disparu. Où, Diable, sont-ils passés ? Ils étaient là il y a à peine une minute ! Une image flotte dans ma tête mais je la chasse.