- Alors, ça t'a plu ? me demande-t-il alors que nous retournons dans la voiture.
- C'était sympa.
- Tu mens très mal, tu le sais ça ?
Je lui jette un regard interrogateur.
- Tu insinues que je suis en train de te mentir ?
- Parfaitement.
- Une autre activité n'aurait pas été de refus, j'admets d'une petite voix.
Ça le fait rire.
J'ai le sentiment que cette sortie nous a - contre toute attente - rapproché. Je ne crois pas avoir déjà vu Jared aussi souriant. En fin de compte, il peut se montrer très agréable quand il le veut. Cette facette, qui jusqu'à présent m'était inconnue, me plaît. Beaucoup. Peut-être un peu trop.
- Tu ne mets pas de musique ?
Il tripote les boutons du lecteur CD et une douce mélodie envahit l'habitacle.
- Du classique ? je m'exclame, étonnée.
- Ça s'appelle « Lettre à Élise ».
Je dois admettre que ce n'est pas exactement le style de musique auquel je m'attendais. Décidément, il ne cessera jamais de m'étonner. Je m'installe plus confortablement sur le siège et me laisse bercer par le piano. Si je ferme les yeux, je suis certaine de m'endormir.
- C'est magnifique, je souffle, envoûtée par la musique.
- Je trouve aussi. Mon père adorait Beethoven.
C'est la première fois qu'il évoque un membre de sa famille, mais le fait qu'il en parle au passé attise ma curiosité.
- Est-ce qu'il est...
Ses mains se crispent autour du volant. On dirait bien que j'ai touché une corde sensible.
- Non. J'ai été adopté.
Voilà qui a le don de casser l'ambiance.
- Je suis désolée.
Ma réaction est faiblarde, je le sais, mais rien de mieux ne me vient. Jared ne relève pas, concentré sur la route.
- Tu n'as pas à l'être. C'est la vie. Et je n'ai pas à m'en plaindre, finit-il par répondre.
Que veut-il dire exactement ? Cette nouvelle révélation me rend encore plus perplexe et je ne peux m'empêcher d'éprouver un élan de compassion. Derrière sa parfaite image de mauvais garçon se cache une faille. J'en suis certaine. Il y a toujours une faille. Les yeux fixés sur le paysage, je m'abîme dans mes pensées.
- Et toi, est-ce que tu vas me parler de ta famille ? attaque-t-il, détournant ainsi mon attention.
- Il n'y a rien d'intéressant à savoir sur ma famille.
- Encore un mensonge, chantonne-t-il. Tu ne veux pas m'en parler, c'est différent.
Il est fort, très fort.
- Bon, que veux-tu savoir ?
- À toi de me dire. Par exemple, est-ce que tu as des frères et sœurs ?
- Oui, Eïleen et Paul. Ils ont treize et cinq ans.
Parler d'eux me déprime.
- Et comment sont-ils ?
- Adorables, la plupart du temps.
Mes accents de tristesse me prennent au dépourvu. Je me creuse la tête, me demandant sur quoi je pourrais bien l'interroger à mon tour qui ne soit pas trop personnel afin de chasser le souvenir de ma famille. Finalement, j'abandonne. Dans un moment pareil, il est préférable de se taire.
- On est bientôt arrivés, m'annonce-t-il avec un sourire.
Je suis presque déçue lorsque que nous arrivons dans le parking des étudiants. Mais, étonnement, Jared ne bouge pas d'un poil. Nous restons assis. Ni lui ni moi n'avons envie de quitter sa voiture.
- Enfin bref, je soupire en fixant mes doigts entremêlés.
- Enfin bref.
Je pivote ma tête vers lui. Il me regarde avec attention, un doux sourire en coin. Des papillons se mettent à danser dans mon ventre. À ce moment précis, je rêve de l'attraper par le col de son tee-shirt pour l'attirer à moi. Cette seule pensée provoque un frisson qui secoue tout mon corps. Il faut que je garde mon calme.
Calme-toi, Abby.
Au lieu de ça, mon cœur s'affole dans ma poitrine. Je ne sais pas ce qui se passe mais quelque chose me dit que je ne vais pas tarder à le découvrir. Une foule de questions se bousculent dans ma tête mais je les oublie dès l'instant où Jared tend la main pour la poser sur ma cuisse. Pourquoi fait-il ça ? L'idée qu'il puisse jouer avec mes émotions ne me paraît pas totalement exclue, mais la sensation de trouble profond qui s'empare de moi me fait oublier toutes mes craintes. Jamais, au grand jamais, je n'ai ressenti une chose pareille.
- Je croyais que...
Les yeux rivés sur ma bouche, il pose un doigt dessus pour me faire taire.
- Tais-toi.
Il reste un moment à m'observer, la respiration erratique. Mon esprit devient embrumé, perdant toute sa capacité de contrôle. Dans un mouvement imprévu, je me penche vers lui et écrase mes lèvres sur les siennes.
Mon absence de retenue me surprend tout autant que Jared, mais impossible de m'arrêter. Ce baiser n'a rien à voir avec les deux précédents. Il est enflammé, indomptable. En embrassant Jared, je réalise que, malgré tous ses avertissements, je ne pourrai pas refouler mon attirance. À moins qu'il ne disparaisse de ma vie. Mais je ne suis pas sûre d'en avoir réellement envie.
Quand il glisse sa langue à l'intérieur de ma bouche, un gémissement monte dans ma gorge et une nouvelle vague de chaleur s'empare de mon être. Il tire sur mes lèvres en prenant le temps de les sucer l'une après l'autre. Oh mon Dieu. De peur de déclencher la même réaction qu'il a eu lorsque j'ai osé le toucher, je préfère garder mes mains sous mes cuisses - même si le désir d'explorer son corps est difficile à dominer. Il s'écarte de mes lèvres gonflées de bonheur pour reprendre sa respiration. Nos souffles s'entrechoquent.
- Je t'ai déjà dit que je te préfère les cheveux détachés, grogne-t-il d'une voix rauque en me mordant le lobe de l'oreille.
Mon cœur a un raté. Son souffle chaud contre ma peau me fait frémir de la tête aux pieds. Jared passe une main derrière ma tête et, d'un coup sec, arrache mon élastique, libérant ma longue chevelure brune.
- Voilà qui est mieux.
Ses yeux brûlants plongent dans les miens, me rendant encore plus tremblante que je ne le suis déjà.
- Tu es en train de me rendre fou, Abby. Mais ça, tu le sais déjà.
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À corps perdu
RomansAbbigail, dix-huit ans, discrète et peu sûre d'elle, retourne comme chaque été en vacances chez sa tante. Mais ces quelques jours passés sous le soleil écrasant de Floride vont chambouler son existence qui, jusqu'à présent, lui a toujours semblé vul...