Ça fait environ neuf ans que je cours. En vérité, c'est mon père qui m'a initié à ce sport de durée. La gazelle, il m'appelait. Nous courions chaque week-end, que le temps le permette ou non. C'était notre moment de complicité à tous les deux - peut-être même le seul que nous ayons jamais eu - avant qu'il ne prenne fin. Mais je n'ai jamais arrêté de courir pour autant. À force, c'est devenu un moyen de faire le vide dans mon esprit, de me sentir bien.
Ça fait maintenant un moment que je n'ai pas couru. Depuis mon entrée à l'université, à vrai dire. Je n'ai pas eu l'occasion de voir les installations sportives alors je suis curieuse de les découvrir. Habituellement, je cours dans le bois à côté de chez moi, ainsi je vais d'avoir m'accoutumer aux tours de piste. D'une certaine manière je trouve ça monotone, les tours de piste.
Quand j'arrive à l'entrée du stade, je monte directement sur les gradins poser mes affaires. D'ici, j'ai une vue imprenable du campus. J'abrite mes yeux du soleil dont les rayons m'aveuglent pour observer l'immensité qui s'offre à moi. Tout en regagnant la piste, je fourre mes écouteurs dans les oreilles et démarre ma playlist. Au moment où je m'élance en petites foulées, une voix que je reconnais immédiatement se fait entendre derrière moi.
Pourvu que je délire !
- Chouette journée, hein ?
Malheureusement, je ne délire pas.
- Je ne savais pas que tu aimes courir, ajoute Jared comme je ne réponds pas.
Nouveau silence de ma part. Tout à coup, le voilà qui s'élance à côté de moi - en se calant sur mon rythme -, mais je refuse toujours de le regarder ne serait-ce qu'une seule petite seconde.
- Il y a beaucoup de choses que tu ignores de moi.
Mon ton est bien plus tranchant que je ne l'ai espéré. Je décide d'être aussi aimable que lui. Il l'a bien cherché.
- Tu as éveillé ma curiosité.
Levant les yeux au ciel, j'augmente le volume de ma musique pour couvrir le son de sa voix et me focalise uniquement sur ma prochaine foulée. Et rien d'autre. J'essaie d'oublier le fait que je cours avec un mec lunatique, ultra canon, et par-dessus tout : célibataire.
Nous courons côte à côte pendant un long moment. Mais le manque d'entraînement finit par se faire ressentir. Néanmoins, je tiens bon. Il est hors de question que je flanche - surtout face à Jared. J'accélère ma foulée, le distançant de quelques mètres, mais il ne rencontre aucune difficulté à me rattraper, voire à me dépasser avec une facilité rageante. Intérieurement, je jure. Ma respiration est de moins en moins régulière et de plus en plus difficile à contrôler. Puis, sentant mes poumons s'embraser, je ralentis et m'arrête. Jared, lui, continue pendant quelques foulées avant de remarquer que je ne suis plus à ses côtés.
Je peste en silence tout en m'étirant les jambes. D'habitude, je cours beaucoup plus longtemps. Je suis simplement en manque d'entraînement !
- Déjà ? Je te croyais plus endurante que ça.
De mauvaise grâce, je pivote lentement pour découvrir Jared, un sourire affreusement séducteur sur les lèvres. Ses cheveux bruns sont collants de sueur et son tee-shirt est trempé. Diable, comment fait-il pour être toujours autant sexy ? Son regard effectue un balayage rapide de mon corps engourdit par l'effort avant de remonter vers mon visage.
Je me retiens de lui mettre une droite. Il est toujours dans la provocation, pure et simple. Comme si la situation n'était déjà pas assez pimentée, d'un geste souple, il retire son tee-shirt, dévoilant un torse parfaitement dessiné. La vue de ce corps splendide me fait tressaillir.
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À corps perdu
RomansaAbbigail, dix-huit ans, discrète et peu sûre d'elle, retourne comme chaque été en vacances chez sa tante. Mais ces quelques jours passés sous le soleil écrasant de Floride vont chambouler son existence qui, jusqu'à présent, lui a toujours semblé vul...