À corps perdu

Chapitre 6 : Premier baiser

Jared insiste longuement pour me raccompagner chez ma tante et je finis par céder. Nous faisons le trajet en silence. Sur le perron, je ne trouve ni les mots pour le remercier, ni pour lui souhaiter une bonne nuit. Embarrassée, je trouve tout de même le courage de l'enlacer, mais il m'arrête net. Une vague de frustration me traverse. Vient-il de me repousser ?

   Nos regards se croisent, et je baisse les yeux, ne sachant pas comment réagir. Son visage n'est qu'à quelques centimètres du mien. Il suffirait d'un mouvement bref, infime, pour que nos bouches se touchent...

–      Je sais que le moment est mal choisi, mais... j'ai très envie de t'embrasser, murmure-t-il.

   Son haleine fraîche et parfumée m'étourdit. Je cligne des paupières, subjuguée. Ai-je bien entendu ? Il se penche lentement vers moi – guettant ma réaction – et promène ses lèvres le long de ma mâchoire, traçant une ligne invisible jusqu'à mon cou. Des frissons parcourent mon corps en entier. Je m'immobilise. Cette sensation m'est inconnue mais elle est... très agréable. Jared remonte progressivement vers ma bouche. Je cesse de respirer. Il mordille doucement ma lèvre ensanglantée puis se met à la sucer frénétiquement de façon experte.

   Mon Dieu.

   Mon cœur bat à son plein régime. Incapable de résister aux pulsions qui me consument, je plaque ma bouche sur la sienne avec désinvolture. Et il semble l'apprécier. Je l'embrasse avec une ardeur dont je ne me serais jamais cru capable. Est-ce bien moi ? Lorsque j'entrouvre la bouche, Jared y glisse sa langue. Elle est douce et chargée de tendresse. Notre baiser me semble durer une éternité. Comme dans les films, je perds la notion du temps. Jamais je n'ai ressenti une telle chose, si bien que j'en oublie de respirer. À bout de souffle, je le repousse doucement.

–      C'est la première fois que tu embrasses quelqu'un, pas vrai ?

   Sa question sonne moqueuse à mon oreille.

–      Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

   Là, il m'a vexé.

–      Tu régules mal ta respiration, lâche-t-il amusé.

   Je veux lui cracher à la figure qu'il en est à l'origine. Avec lui je me sens désarmée, contrainte de laisser les émotions me submerger.

–      Oh, j'ai donc affaire à un vrai professionnel.

   Ma réaction déclenche son hilarité. Il glousse tout bas avant de reprendre son sérieux.

–      Je ne suis pas prétentieux à ce point-là, répond-t-il en haussant les épaules. Mais... j'admets que tu te débrouilles bien. Très bien même.

   Mes joues deviennent rouge pourpre.

–      Merci du compliment.

Je me balance d'un pied à l'autre, ne sachant pas comment mettre fin à cet échange.

–      Eh bien, je suppose que je n'ai plus qu'à te souhaiter une bonne nuit, Abby, prononce-t-il d'une voix sourde.

   Trop étourdie pour lui répondre, je hoche la tête et tourne les talons. Tante Kristen dort déjà à poings fermés lorsque je rentre. Je file sans un bruit dans ma chambre et, par pur réflexe, m'enferme à clef. En me couchant, je repense à mon baiser avec Jared. C'est... indescriptible. J'en ai le ventre tout retourné.

   Malgré ma joie débordante, je m'endors avec pour seule pensée ce qui aurait pu arriver sur la plage une heure plus tôt si Jared n'était pas arrivé à temps. Mon estomac se rétracte. Je m'efforce de ne pas y penser. En vain.