Chapitre 42 : La rédaction

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Les doigts tremblotants, je mets plus de temps qu'il ne le faut pour déverrouiller la porte de ma chambre. Si Jared a remarqué la précipitation et la maladresse de mes gestes - ce qui est quasiment certain -, il ne fait aucun commentaire.

Mon affolement est disproportionné. Voilà ce qui va se passer : nous allons entrer cinq petites minutes, puis nous ressortirons. Ni plus, ni moins. Pas de quoi en faire tout un plat.

Je m'écarte après avoir ouvert la porte en grand et la referme derrière Jared. Avant que la situation ne devienne trop gênante, je vais tout de suite vider mon sac et ranger mes manuels.

- Où veux-tu qu'on aille après ? je marmonne, mal à l'aise.

- Nulle part. J'aime bien ta chambre. Et il fait trop froid pour sortir.

Affichant un grand sourire, il s'installe sur mon lit - comme si c'était le sien - et glisse les mains sous sa nuque.

Je comprends d'emblée ce qu'il a derrière la tête. Et ce n'est pas négociable.

- Mauvaise idée. Maia va bientôt rentrer et je n'ai pas envie qu'elle te trouve ici.

- Elle est avec Dylan, si c'est ça qui t'inquiète.

- Oh.

Une longue minute s'écoule durant laquelle je liste intérieurement des prétextes pour qu'il s'en aille. Je n'aime pas nous savoir dans un espace aussi réduit que ma chambre. Seuls. Sans surveillance. Or j'ai tendance à perdre légèrement la boule dans ce genre de circonstance.

- Ça te gêne que je sois ici ? demande Jared.

Détrompe-toi.

- Tout ce que je veux c'est avancer dans mes devoirs. Si tu restes, ne me dérange pas.

Tu cèdes, encore.

Il hausse les épaules.

- OK. Je suis muet à partir de maintenant.

Je prends place devant mon bureau en me félicitant d'avoir trouvé une aussi bonne excuse pour ne pas avoir à lui parler, puis commence le devoir de M. Williams. Mais Jared a beau être silencieux, sa présence m'empêche d'aligner correctement les mots sur ma copie. N'y tenant plus, je lui jette un coup d'œil par-dessus mon épaule. Celui-ci est toujours allongé en travers de mon lit, les pieds dans le vide, parfaitement décontracté. Tout d'un coup, il se redresse pour s'adosser à la tête de lit et me surprends en train de le fixer.

- Il y a un problème ?

Je fais non de la tête et reporte toute mon attention sur mon bout de papier. Le grincement du lit me signale qu'il se lève. Je resserre ma prise autour de mon stylo en priant pour qu'il ne s'approche pas, qu'il ne franchisse pas la limite. Mais c'est trop tard, il est déjà debout, à côté de moi.

- Qu'est-ce que tu écris ? s'enquiert-il en se penchant sur mon bureau.

Son haleine fraîche souffle sur mon cou.

- Oh, rien. C'est... juste... un devoir... à rendre, je balbutie.

Il me l'arrache des mains.

- Hé ! je proteste.

Je me relève et saute comme une demeurée en tendant désespérément les bras pour essayer de la lui reprendre. Seulement, ce casse-pieds est beaucoup plus grand que moi. Ça le fait rire, bien entendu.

- « ... il lui répondit par un baiser passionné... », lit-il à voix haute. Hum... je me demande qui t'a inspiré comme ça.

Comment ose-t-il !

À corps perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant