Chapitre 16 : Coup de téléphone

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Bien entendu, je ne revois pas Jared les jours qui suivent. Comme la fois dernière, je viens à me demander s'il a quitté Stanford. Je suis presque furieuse que son absence me déçoive autant.

Il te fuit, c'est évident.

Au fond, ça m'irrite. Je ne supporte pas l'idée qu'il puisse m'éviter intentionnellement. C'est vrai, après tout, il ne peut pas disparaître chaque fois que je fais - ou dis - quelque chose qui ne lui plaît pas. Son comportement est... incompréhensible. C'est exaspérant. Je devrais m'interdire de penser à lui, mais j'en suis incapable. Plus je cherche à le rayer de mes pensées, plus il les occupe. Ça a le don de m'agacer davantage.

Néanmoins, la fin de semaine arrive à une allure folle et - par conséquent -, samedi soir aussi. Tout le campus ne parle plus que de la fameuse fête de fraternité - à croire que c'est l'événement du mois - dont Maia et moi avons décidé de ne pas aller. Mise à part des jeunes à la limite du coma éthylique et des parties de jambes en l'air, je ne vois pas ce que nous pouvons rater. Je décide même de me coucher tôt dans l'espoir de trouver rapidement le sommeil. Mais rien à faire. Les heures défilent sur mon réveil, et aucun signe de fatigue ne se manifeste. Consciente que je ne m'endormirai pas avant un bon bout de temps, j'enfile mon vieux survêt et, sans réveiller Maia, je m'en vais faire un tour dehors.

L'air frais de la nuit ébouriffe ma queue-de-cheval, je frissonne légèrement. Cette balade nocturne improvisée me rappelle le Missouri. Les soirs d'été, ma sœur et moi avions l'habitude de nous promener dans le petit bois qui borde notre quartier. Ce souvenir réveille mon envie folle de lui parler. Elle est forcément réveillée, j'espère. Sans réfléchir, je sors mon portable de ma poche et fais défiler les numéros jusqu'à tomber sur le sien. Elle décroche à la deuxième sonnerie.

- Allô ?

Le soulagement qui s'empare de moi en entendant la voix de ma sœur est énorme, presque vertigineux.

- Eïleen, je soupire d'apaisement.

- Abby ! s'exclame-t-elle. Comment tu vas ?

- Super, et toi ?

- Bien. (Elle marque une courte pause.) Ça fait une éternité que tu n'as pas appelé... Maman est inquiète, tu ne réponds plus à ses mails.

J'aurais voulu qu'elle n'en dise pas un mot, qu'elle ne me rappelle pas que je suis une fille indigne pour ne plus donner de nouvelles.

- J'ai... la tête ailleurs en ce moment. Sinon, ça se passe bien à la maison ?

Silence.

- Eïleen, tu peux tout me dire.

Les secondes s'écoulent, puis un sanglot étouffé lui échappe. Pourquoi pleure-t-elle ?

- Tu connais papa... il... n'a pas changé. Sauf que... non, rien, oublie.

Le désarroi dans sa voix me donne une impression de froid, et le temps n'y est pour rien.

- Qu'est-ce qu'il se passe, Eïleen ? j'insiste en tâchant de contrôler mon inquiétude. Dis-moi.

- C'est.... (Elle s'interrompt.) Quelqu'un monte, je dois raccrocher.

- Non, att...

Elle raccroche.

Je me rends compte à quel point nos discussions me manquent. À cet instant, je donnerais tout pour me retrouver aux côtés de ma petite-sœur et la serrer dans mes bras. Ça me tue d'être dans l'ignorance la plus totale. Qui sait ce qu'il se trame à la maison... Je crains le pire. La tristesse qui s'empare de moi ne s'estompe pas, et je m'aperçois que je suis au bord des larmes. Je veux contenir le chagrin qui menace de me submerger mais au lieu de ça, je me mets à sangloter.

À corps perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant