Chapitre 1 : Ethan

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Ethan était épuisé de sa journée de dur labeur. Oh bien sûr il ne regrettait rien, avoir ce poste aussi rapidement après la fin de ses études avait du bon. Un bon poste qui plus est. Qui payait bien, et qui en imposait en société. Merci papa.

Le père d'Ethan était pharmacien, et touchait régulièrement de grosses sommes d'argent en dehors de son travail. Des « dons désintéressés » comme il les appelait. Ça mettait un peu de beurre dans les épinards, et il n'y avait personne pour s'en plaindre. Bien entendu.

Pour autant, malgré cet argument de poids, qui aurait peut-être pu le rendre plus agréable aux yeux de son fils, ce dernier ne s'était pas beaucoup ému de sa mort prématurée. La police avait dans un temps émis l'hypothèse que quelqu'un avait trafiqué ses freins, mais aucune preuve n'était venue étayer ces suppositions. Résultat des courses, Ethan Leroy héritait de toute la fortune de Patrick Leroy. Sa mère, la belle mais dispensable Eléanore, n'avait rien touché, car divorcée de son ancien mari. Et bien sûr, Ethan ne l'avait pas invitée à l'enterrement.

Le fils n'aimait pas beaucoup sa mère. Il lui trouvait un air profondément bête, et si ce n'était sa très belle plastique, la pauvre n'avait hélas pas grand-chose pour elle. Pour le jeune homme, seules comptaient les capacités cognitives. C'était bien simple : il exécrait les simples d'esprit, bien que jamais, au grand jamais, il ne le dirait à qui que ce soit. Il tenait ça de son père. Un défaut digne de sa classe sociale. Il en avait d'autres, bien plus terribles, mais ceux-là étaient encore mieux cachés.

Patrick avait épousé Eléanore simplement parce son physique lui plaisait. Quelle ne fut pas sa chance lorsqu'elle avait été assez stupide pour accepter de lui donner un enfant. Une fois Ethan né, elle n'était guère plus utile. Patrick ne voyait pas l'intérêt de continuer à vivre avec elle. Alors bonjour le divorce, au revoir maman et salutation à la nourrice. Voilà comment était né le futur docteur Leroy.

Malgré cette vie quelque peu singulière, Ethan ne se sentait pas si différent du commun des mortels. Certes, sa situation familiale fut longtemps étrange et en-dehors des normes sociales, car élevé par une femme qui n'était pas sa mère, et qui ne s'était jamais comportée comme telle. Mais après tout pourquoi pas. Car en fin de compte il n'avait pas si mal grandi. Il était même plutôt heureux, et vivait simplement, mais sainement. Selon ses standards.

Le trentenaire avait fait de belles, très belles études, et avait obtenu d'excellentes notes en faculté de médecine. Il n'était pas premier, mais tout de même quatrième sur mille dans sa première année, des résultats dont il était particulièrement fier, il avait travaillé dur pour y parvenir. Le temps passant, il s'était découvert une passion pour l'esprit humain. Si certes le corps l'intéressait, le cœur était dix mille fois plus stimulant à ses yeux. Combien de fois avait-il rêvé de posséder toutes les connaissances au sujet du cerveau et de ses mécanismes si complexes ? Beaucoup, c'était une chose dont il était absolument certain.

Ethan ouvrit la porte de sa maison, et déposa délicatement son manteau sur le crochet au mur approprié. Puis, il passa par la salle de bain au rez-de-chaussée, et ignora superbement Clair, son amant depuis plus d'un an, qui prenait sa douche.

Le docteur se débarbouilla rapidement, avant de tenter de discerner le corps de l'homme aux cheveux rouges au travers des vitres prévues pour rendre floue la personne derrière elles.

Clair, malgré son nom de femme, était bel et bien un homme. Plutôt petit. Avec un corps fin, frêle et assez fragile, couvert de tatouages divers et variés. Des chaines bleu foncé aux chevilles, des flammes noires qui remontaient sur ses avant-bras, un collier rouge et noir sur le cou. Sans compter les piercings. Un prince Albert et des snake bites, des anneaux sur les côtés droit et gauche de sa lèvre inférieure. Ethan trouvait cela plutôt attirant, alors que lui-même était plutôt ordinaire dans son esthétique.

Le contraste entre les deux hommes étaient flagrants. L'un plutôt gothique, qui se maquillait, l'autre standard, presque corporatiste dans son expression vestimentaire. Mais bien sûr cela ne les empêchait pas de vivre sous le même toit.

Clair n'avait pas vu Ethan arriver, il lui faisait dos, et se lavait le plus tranquillement du monde le torse, la main enveloppée d'un gant de toilette blanc. Aussi, il sursauta violement quand le psychiatre toqua fort à la porte vitrée de la douche.

— Je suis rentré. Ta journée s'est bien passée ?

L'intéressé hocha la tête, et attendit quelques instants, comme s'il craignait une réaction inattendue, avant de poursuivre sa toilette.

— J'ai commandé un bon repas pour ce soir chez le traiteur, tu pourrais assurer la réception de la nourriture vers dix-neuf heures ? Je vais encore travailler un peu pendant les deux prochaines heures. Une histoire terrible, je te raconterai pendant le dîner.

Clair hocha une nouvelle fois la tête.

La soirée promettait d'être longue.


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