Chapitre 35 : Pensées intimes

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Les volets électriques se refermaient lentement sur la chambre d'Alix Deschamps. De toute façon, les ténèbres avaient succédé au soleil depuis plusieurs minutes, poussant le jeune homme à retirer les lunettes de soleil qu'on lui avait donné lors de son internement dans la section carcérale de Sainte Marie.

Ça allait nettement mieux au sein de l'obscurité. Il s'y sentait à sa place, heureux. Et personne ne pouvait voir ce qu'il faisait dans le noir.

Ses yeux se portaient mieux grâce à ces lunettes. Une idée de son psychiatre, une très bonne idée même. Avec ce dispositif il ne craignait plus la lumière du jour, ni les éclairages de sa chambre. Il pouvait voir à peu près clairement son monde.

Quand on le promenait dehors, cela arriva une fois par jour, on lui enfilait des gants, et on vissait une casquette sur sa tête. Car le soleil pouvait être très dangereux pour lui, il risquait des CANCERS.f

Il ne savait pas ce qu'étaient des CANCERS, mais son père lui en parlait tout le temps.

« Non, tu ne peux pas sortir Alix, tu vas attraper le CANCER, et tu vas mourir. Je ne veux pas te perdre, tu comprends ? Tu es la seule famille qui me reste, alors, tu vas rester avec moi, dans la maison. Je ne veux pas que tu chopes le CANCER, tu dois comprendre ça. »

Son père avait eu l'air d'être très sérieux, alors le jeune homme n'avait pas répondu.

Il allait bientôt avoir rendez-vous avec un ophtalmologue, afin qu'il ait des lunettes adaptées à sa vue plus que pitoyable : il était myope comme une taupe. La faute à un enfermement dans des pièces trop petites, il n'avait jamais eu l'occasion de voir loin. Pour autant, cela ne le dérangeait pas tant que cela, il avait l'habitude des endroits exigus.

Il n'attendait pas cet événement avec impatience, surtout qu'il allait encore être sous camisole de force. Comme à chacun de ses rendez-vous médicaux, exception faite de ceux avec monsieur Leroy. Là, et seulement là il avait le droit d'avoir tous ses membres en liberté. Il lui était reconnaissant de cela.

Très reconnaissant.

Sa vie n'était plus la même depuis qu'il avait tué son père. C'était de la faute de cet homme, il n'avait qu'à pas lui refuser du sexe. Il ne demandait pas grand-chose, juste une fellation pour ses dix-neuf ans, lui qui n'avait jamais rien fait de plus sexuel que quelques séances de masturbation toutes les semaines, séances dont il commençait à se lasser.

Résultat, ils s'étaient embrouillés très forts, et son père l'avait jeté dans la cave sans sommation. Comme il le faisait quand il était trop contrarié. Comme il le faisait trop souvent. Le jeune homme avait fini par prendre le pli.

Mais là, il avait dépassé les bornes. Alix avait décidé de le tuer une bonne fois pour toute. Il y avait pensé pendant des années, mais ça avait été la première fois qu'il réfléchissait aussi clairement à ce plan.

Il n'avait eu aucun remord, c'était mérité. Il en avait eu assez de la cave et de sa frustration personnelle.

Son père allait payer pour ça. C'était amplement mérité.

Quand Alix était sorti en cassant la porte avec l'une des briques rouges stockée dans cette pièce si sombre -sans aucune raison apparente- il avait pris un couteau dans la cuisine, et l'avait enfoncé profondément dans le dos de son paternel. Ce dernier s'était endormi devant un film pornographique.

Alix avait immédiatement éjaculé, car il avait alors fait le rapprochement entre cette pénétration mortelle et l'acte sexuel. A cette pensée soudaine qui émergea de son crâne, son sexe était redevenu dur. Une fois de plus.

Il songeait à Ethan. Le bel Ethan. Le magnifique Ethan.

Il pensait à tout ce qu'il voulait lui faire. Comme dans les pornos qu'il regardait avec son père de temps en temps.

Il voulait le posséder physiquement, le sodomiser jusqu'à la garde, et le dévorer dans son entièreté. Il voulait le manger. Presque littéralement.

Il y pensait depuis la troisième fois que le docteur était venu lui rendre visite. Il lui était alors apparu comme auréolé de lumière, mettant en avant le côté gauche de son visage, celui qui faisait de la peine au jeune albinos.

Il ne savait pas ce qui lui était arrivé, mais il comptait bien l'apprendre un jour ou l'autre. Plutôt rapidement si possible, sa patience avait des limites tout de même.

Alix pensait tous les jours à cet homme si incroyable, celui qui lui avait permis d'avoir ces pilules colorées, celles qui lui rendait la vie si facile aujourd'hui. Il était heureux, pour la première fois depuis des années.

Il aimait Ethan, comme son père avait aimé sa mère. Il ne connaissait pas le nom de sa génitrice. Tout ce qu'il savait d'elle, c'était qu'elle avait accouché de lui dans la baignoire.

Mais il se moquait de savoir qui était sa mère, ça n'avait jamais eu d'importance. Tout ce qui comptait à présent, c'était de trouver un moyen de se retrouver seul avec le médecin.

Alors, il coucherait avec lui.

Enfin.


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