Chapitre 11 : Le tueur au sac de papier

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L'inspecteur Gabriel Jimenez était ce que l'on pourrait appeler un bon gars.

Depuis tout petit, il voyait les injustices autour de lui. Il voyait le mal s'étendre partout. Il voyait les minorités exploitées, maltraitées, détestées, et ce sans aucune raison. Il devait faire quelque chose contre cela, c'était son devoir en tant qu'être humain. Son devoir en tant que descendant de guerriers.

Alors Gabriel était devenu policier. Il avait travaillé très dur pour en arriver là où il se trouvait, mais ne regrettait pas le sang et la sueur versés, car c'était un mal pour un bien.

Il était plutôt fier de son parcours, qui s'était fait presque sans aucun problème. Major de promotion, un beau badge qui prouvait son statut, le droit de porter une arme pour agir rapidement si quelque chose de grave arrivait. Oui, il pouvait être fier de tous ses efforts faits ces dernières années.

Pourtant rien n'avait changé. Les femmes, les personnes racisées, les homosexuels, les personnes trans continuaient de se faire emmerder au quotidien, surtout par la faute de ses propres collègues. Lui-même, dont le nom de famille était d'origine hispanique, subissait parfois des remarques désagréables. Finalement, sa montée en puissance n'avait servi à rien. Et il ne pouvait rien y changer.

Combien de fois avait-il songé à quitter les rangs de la police pour reprendre le magasin familial ? Trop, assurément. Beaucoup trop. Mais il ne pouvait pas jeter ses efforts à la poubelle. Et puis, s'il partait, qui allait s'occuper des victimes, des dossiers lourds et poussiéreux ? Personne. Car personne n'avait l'envie d'aider.

Si ses collègues étaient de sacrés connards, lui était droit dans ses bottes. Du moins c'était ce qu'il pensait.

Il savait ce qu'il faisait et devait continuer son travail, pour aider les gens, alors même que ce n'était pas le rôle de la police : elle devait protéger la propriété privée, pas le peuple. Et ça, Gabriel l'avait très vite compris.

Depuis six mois, sa vie était devenue un enfer. Un tueur en série sévissait dans la région et semblait mettre un point d'honneur à se moquer des policiers. Au début, on n'avait retrouvé qu'un seul corps, relativement bien planqué, avec un sac de papier kraft sur la tête, doté de deux trous pour les yeux. Il s'agissait d'une personne portée disparue depuis moins d'un mois.

La victime était morte depuis au moins trois semaines, peut-être un peu plus. Jusque-là on pensait à un meurtre ordinaire, quoiqu'un peu plus glauque que la moyenne. La personne semblait être morte d'un arrêt cardiaque, il pouvait s'agir d'un jeu sexuel qui avait mal tourné. C'était en tout cas la piste privilégiée, même si Gabriel n'y croyait pas une seule seconde. Dans tous les cas, aucun ADN étranger à celui du mort -car c'était un homme- n'avait été retrouvé.

Etrange.

Puis, un deuxième corps fut découvert une semaine plus tard.

On l'avait retrouvé dans une ruelle historique de Sainte Haelen très peu visitée. Une femme d'un certain âge, les policiers apprirent plus tard que cette dernière avait plus de soixante-dix ans. Personne ne s'était inquiété de sa disparition, sa famille ne lui rendant que très rarement visite. De plus, elle ne semblait pas avoir beaucoup d'interactions sociales et se faisait livrer les courses chez elle. La pauvre vieille femme était décédée depuis seulement un jour.

Et toujours ce sac de papier kraft sur la tête. La situation puait, littéralement. Gabriel avait songé que le cauchemar commençait seulement.

Ses collègues ne le crûrent que lorsqu'un troisième corps coiffé de ce drôle de masque mortuaire fut retrouvé. Cette fois-ci c'était certain : un tueur en série sévissait. Un tueur qui ne se laisserait pas capturer facilement.

Douze cadavres en six mois. C'était plus que le policier ne pouvait en supporter.

On l'avait assigné à cette affaire, un homme aussi compétent que lui pourrait très certainement capturer ce fils de pute.

Au début Gabriel pensait la même chose : il allait rapidement attraper ce salopard et tout serait fini. Il allait peut-être même recevoir une récompense pour la capture du tueur au sac de papier comme l'appelaient les médias qui s'étaient emparés de l'affaire, au grand dam de l'inspecteur Jimenez. Car médiatiser les crimes de ce monstre devait sans doute donner des ailes à ce dernier.

Mais non, l'enquête s'enlisait. Chaque nouvelle découverte enfonçait encore plus la police. Parfois, le tueur laissait le corps bien en évidence, comme pour se foutre de la gueule de ceux qui le poursuivaient. Que ce fût intentionnel ou non, c'était réussi.

Gabriel ne savait plus quoi faire. Lui et son équipe piétinaient depuis trop longtemps. Alors, il avait fait appel au docteur Leroy. Il ne lui faisait pas confiance, mais il n'avait plus le choix. Si le meilleur psychiatre de la région en charge de dossiers de criminels ne pouvait pas l'aider, alors personne ne le pourrait. Ethan était sa dernière chance pour attraper l'assassin.

Il fallait réagir vite, ou les corps allaient encore pleuvoir.

Et personne ne pourrait plus arrêter l'homme au sac de papier.

Personne.



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