Sac de Papier

Chapitre 77 : La colère d'une femme

Natalia Keriztchki était furieuse. Son sang bouillonnait presque, colorant son visage de rouge. Rien ne pourrait la calmer avant un bon moment.

La raison de cette colère sourde et soudaine ? Ce connard de Leroy ne lui avait toujours pas donné le médicament qu'elle lui avait demandé. Le défiguré avait osé lui dire qu'il allait falloir se soumettre aux caprices des artistes, et que sa cliente allait attendre.

Seulement voilà, la trentenaire en avait assez. Elle le voulait tout de suite. Elle en avait besoin pour que ses travailleurs lui soient encore plus soumis qu'ils ne l'étaient déjà. Son business était en jeu nom d'un chien ! Non mais pour qui se prenait-il ? Pour une sorte de génie incompris qui pouvait se permettre de faire attendre tout le monde selon bon vouloir ?

Natalia ouvrit son paquet de cigarettes, et vissa une clope sur le bout de son fume-cigarette. Elle inspira profondément, avant de consommer sa drogue habituelle. La nicotine imprégna rapidement ses poumons, la calmant un peu. Mais elle repensa aussitôt à Ethan, et retrouva son niveau de colère qui avait pourtant bien descendu. Décidément, elle ne pouvait pas se contrôler, c'était plus fort qu'elle.

Pourtant, elle pouvait faire preuve de retenue de temps à autres. Mais là, c'était trop pour elle, il lui fallait son produit, c'était une impérieuse nécessité. Elle consuma sa cigarette, et en vissa une nouvelle sur son bel objet d'ivoire.

Fait chier. Et ce salopard de médecin qui lui avait toujours répété que la clope était dangereuse pour la santé. Comme s'il était quelqu'un qui avait de l'autorité sur Natalia à présent. Elle avait eu besoin de lui un temps, mais maintenant il ne représentait presque plus rien pour elle. Elle ne faisait que lui commander des produits de temps en temps, juste pour tester si ces derniers étaient plus puissants et addictifs que les drogues habituelles qu'elle faisait prendre à ses travailleurs.

Elle n'avait jamais arrêté de fumer, malgré les études qui montraient clairement que le psychiatre avait raison. On n'a qu'une seule vie pensait-elle, alors il fallait en profiter. Elle allait bien mourir de quelque chose de toute façon, alors autant choisir le chemin vers le décès elle-même. Et puis, si cela pouvait agacer ne serait-ce qu'un peu Leroy, c'était déjà une victoire en soi. Cet imbécile ne valait plus rien à ses yeux. Du moins, c'était ce qu'elle se plaisait à penser.

Car il avait encore une emprise sur elle. C'était lui qui l'avait dépucelée au lycée. Elle s'en rappelait très bien. Elle avait saigné. Elle avait détesté ça. Mais elle n'avait pas osé lui demander d'arrêter. Natalia était persuadée qu'il avait parfaitement su ce qu'il avait fait, mais jamais elle ne le lui demanderait. Car pour elle, ç'aurait été une défaite que d'admettre que ç'avait été terrible pour elle.

Elle avait la fierté des Keriztchki, ça au moins elle l'avait conservée peu importe les situations.

Elle termina sa deuxième cigarette en un temps record et chercha dans son répertoire téléphonique le numéro d'Ethan. Elle l'appela, bien décidée à lui hurler dessus. Non seulement il allait se bouger les fesses, mais en plus elle allait en tirer une très grande satisfaction.

La sonnerie retentit une fois. Une deuxième fois. Une troisième fois.

Puis, l'intéressé décrocha.

— Natalia ! Quelle bonne surprise ! Que me vaut la joie de ton appel ?

— Ne te moque pas de moi Leroy, tu m'avais promis mon produit rapidement, et j'attends depuis presque deux semaines ! Oserai-je te demander ce qui te prend autant de temps ? Trop occupé à jouer les bons toubibs ?!

— Oh, ça... Eh bien, le produit n'est pas encore tout à fait terminé, je dois encore le tester sur des souris, j'espère que tu ne m'en voudras si je te fais attendre encore un peu ?

La géante manqua de s'étrangler à cette question. Son visage devait être complètement rouge, pendant qu'elle faisait les cent pas dans son salon en chaussures à talons. Il en résultait des claquements répétés qui ne semblaient pas plaire aux chats de Natalia. Hyppolite prit même la fuite, il comprenait que sa chère maman humaine était en colère. Et quand Natalia était en colère, elle brisait la vaisselle et même parfois des chaises. Elle avait même cassé une table basse une fois.

— Tu te fous de moi ? Tu crois vraiment que je vais attendre que tu te mettes à bosser ? Je veux le produit lundi, sinon ça va barder !

— Très bien, très bien... J'imagine que tu seras d'accord avec moi pour que nous allions dire à la police que tu as tué Stanislas dans ce cas...

Elle s'arrêta d'un seul coup. Il avait frappé là où ça faisait mal.

— Tu n'oserais pas ?

— A toi de voir !

Et sur ce, Ethan raccrocha.

Natalia jeta son téléphone contre le mur. Elle se pencha pour le récupérer par terre.

L'écran était fissuré.

Connard de médecin. Il allait le payer. Comment, elle ne savait pas, mais il allait le payer, cher.

Elle s'enfila une troisième clope.

« Enculé... »