Chapitre 56 : Rencontre

7 2 0
                                    

Alix attendait patiemment l'heure des visites. Si son flair ne le trompait pas, et il n'était en règle général pas trop mauvais, il y aurait le docteur Leroy bien sûr, mais aussi cet infirmier chauve qu'il détestait. C'était ce dernier qu'il avait mordu au sang, lui arrachant presque un doigt.

Alix avait aimé le goût ferreux de ce précieux liquide. Il le mordrait bien à nouveau si l'occasion se présentait. Mais pas devant le rouquin bien sûr, il tenait à rester calme en sa présence, même si tous ses sens lui demandaient le contraire. Il ne voulait pas être puni une nouvelle fois, car la dernière fois, on l'avait attaché au lit pendant plus d'une journée sans lui donner à manger, ni à boire. Il se doutait bien que ce n'était pas très légal, mais personne n'irait le dire aux médias.

Ethan n'était pas le responsable de cette situation terrible, aussi il ne lui en voulait pas. Il n'avait aucune preuve que le médecin n'était pas derrière cet ordre cruel, mais l'albinos en était persuadé, question d'instinct encore une fois.

Pour autant, il était toujours aussi sauvage qu'à son arrivée, même si les médicaments faisaient bien tampon au niveau de ses émotions. Il avait besoin de mordre et de griffer quand il en ressentait l'envie. C'était tout simplement plus fort que lui, il devait agir quand son cerveau mollasson l'exigeait. Et il l'exigeait presque tous les jours.

Cela expliquait pourquoi le personnel soignant prenait toutes les précautions du monde lorsqu'il venait le voir pour le mettre sous camisole de force à l'occasion de sa promenade journalière. Alix détestait cet objet qui le contraignait, mais restait le plus calme possible : il ne voulait pas empirer sa situation. Cela l'angoissait, mais il ne pouvait hélas rien y faire. Et puis, il l'avait peut-être un peu cherché, même s'il trouvait cela profondément injuste.

Pourquoi donc ? Eh bien parce que de ce qu'il voyait lors de ses promenades à l'extérieur, il était le seul à être fait prisonnier sous cette horrible chemise qui grattait. Même les autres patients n'étaient pas jugés aussi dangereux que lui apparemment. Ou alors ils avaient droit à de belles petites pilules de toutes les couleurs qui les immobilisaient, comme le racontait le docteur Leroy.

Ce dernier lui avait promis un nouveau traitement lors de sa prochaine visite. Le jeune homme espérait que cette promesse allait être tenue, mais il n'avait pas beaucoup de doute à ce sujet, car Ethan semblait mettre un point d'honneur à tenir ses promesses. Au moins une personne de sérieuse au sein de cet établissement.

Alors qu'il se perdait au fin fond de son cerveau, on frappa à la porte de sa chambre.

Cela l'arracha à ses pensées confuses et le poussa à se redresser d'un seul coup. C'était l'heure des visites.

L'infirmier chauve apparut, exactement comme Alix l'avait imaginé. Et derrière lui, le beau docteur Leroy, avec son visage si particulier et élégant. Car le jeune homme trouvait ces marques de brûlure tout à fait charmantes, selon lui cela donnait un cachet tout particulier à cet homme si puissant dans l'hôpital.

Au début il avait craint ce visage asymétrique, dont le côté gauche des lèvres remontait un peu sur les gencives, laissant voir les dents blanches et parfaitement alignées. Mais avec le temps, il s'était très vite fait à ce faciès pour le moins étonnant.

Il ressemblait à ce personnage de bande dessinée que son père lui avait acheté une fois. C'était un homme à la partie gauche brûlée à l'acide, un certain monsieur qui jouait tous ses coups à pile ou face. Plutôt effrayant, non ?

Heureusement pour lui, Ethan ne semblait pas être le genre de personne à jouer ses actions en fonction de la chance. Il avait plutôt l'air d'être quelqu'un de très mûr et réfléchi lorsqu'il devait prendre une décision. C'était bien quand on pouvait prescrire n'importe quel médicament ou presque à ses patients.

Ce qu'Alix n'avait prévu en revanche, c'était la jeune femme qui accompagnait le docteur. Elle avait une peau foncée, comme certains personnages des films et séries qu'il avait eu l'habitude de regarder avec son père. Ce dernier faisait toujours des remarques désagréables quand il voyait des personnes comme cette infirmière. Pour le jeune albinos, ces gens étaient tout aussi effrayant que les autres, il ne faisait pas trop la distinction.

— Bonjour monsieur Deschamps ! Vous allez bien aujourd'hui ?

Alix hocha vigoureusement la tête.

— Bien, parfait alors ! Je vous présente madame Sanchez, elle est nouvelle, alors soyez certain de lui réserver un bon accueil !

Le jeune homme opina du chef une seconde fois. Ethan prit les lettres que son patient lui avait rédigé pour l'entretien du jour, et se mit à les lire le plus tranquillement du monde, pliant les feuilles dont il avait terminé la lecture une par une.

Alix détailla brutalement la femme. Elle était très belle, vraiment. Il se sentit durcir un peu, mais redevint mou dès que l'intéressée se mit à le regarder droit dans les yeux.

Quelque chose n'allait pas.

On aurait dit une dingue. Comme lui.

Comme lui.


Sac de PapierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant