Chapitre 8 : Natalia

49 3 0
                                    

Natalia Keriztchki se maquillait devant le miroir de sa grande salle de bain. Ce geste devenu quotidien pour elle lui permettait de se sentir beaucoup plus féminine qu'elle ne l'avait jamais été. Elle aimait passer du rouge carmin sur ses lèvres, du brun clair sur ses paupières, du fond de teint pour cacher ses imperfections, imperfections qui n'étaient pas aussi nombreuses qu'on pouvait le croire. Oui, elle avait même besoin de cela pour pouvoir se sentir heureuse et épanouie.

Elle aimait à prendre soin de sa peau, surtout après l'épilation au laser de son visage qui l'avait faite souffrir le martyr lors de ces trois dernières années. Trois séries de passages en automne et en hiver, histoire de se débarrasser de tous ces poils bien encombrants. Mais elle ne regrettait rien, elle se sentait enfin belle et attirante.

C'était le principal.

Elle s'habilla de son éternelle robe noire, la première qu'elle ait jamais acheté de sa vie. Elle lui allait à la perfection, moulant sa poitrine certes petite, mais très bien faite, avec une belle forme de poire, ainsi que sa délicieuse taille qui lui donnait une délicat forme en X. Elle mit plus de temps à trouver ses escarpins, qu'elle avait encore jeté n'importe où la veille en rentrant du travail. Le premier de la paire se trouvait au milieu du hall d'entrée de sa demeure, le second sous un meuble du même hall.

Enfin, elle ajusta ses belles boucles brunes, noires comme du charbon, et embrassa doucement sa réflexion dans le miroir de la grande chambre à coucher au rez-de-chaussée, laissant une marque rouge derrière elle.

Natalia était fin prête pour une nouvelle journée de travail acharnée.

Elle espérait que ses employés l'étaient au moins autant qu'elle-même, sinon elle allait encore en engueuler quelques-uns pour motiver le reste de la maison. C'est que les clients n'allaient pas être patients si le personnel rechignait à travailler ! Il fallait bien donner un coup de pression de temps en temps, sinon on n'arrivait à rien.

Elle prit les clefs de sa panthère de ville, la plus prestigieuse et la plus rare de ses voitures de collection, entra dans cette dernière, fit ronronner le moteur, et démarra en trombe. Elle manqua au passage de renverser quelqu'un, qui lui fit comprendre par un beau geste de la main qu'il n'était pas très content.

Natalia s'en moquait bien, et même, si elle le pouvait, elle lui aurait roulé sur les pieds. Peut-être alors que l'inconnu se serait calmé.

Elle faillit renverser deux autres personnes sur son passage, plus par négligence que par une mauvaise conduite assumée. Car cette dernière n'était pas aussi catastrophique qu'on pourrait le croire. Jusqu'à présent, elle n'avait percuté rien ni personne, un véritable miracle en soi vu la vitesse à laquelle elle roulait. Heureusement que la plupart des rues de Sainte Haelen étaient larges et bien dégagées.

Soudain, alors qu'elle attendait désespérément à un feu rouge, son téléphone portable qu'elle avait posé sur le siège passager, se mit à sonner. Le nom d'Ethan Leroy apparaissait sur l'écran. Natalia soupira profondément, et décrocha sans même vérifier si la police trainait dans le coin. Elle se mit en haut-parleur, histoire de ne pas tenir le téléphone d'une main. Ainsi, elle pourrait passer les vitesses sans problème.

— Allo ? Allo ? J'espère que tu as une bonne raison de me déranger, sinon je raccroche !

— Bonjour Natalia ! Toujours aussi agréable, c'est un plaisir, vraiment !

— Bon, très bien, je raccroche...

— Non attends ! Je n'ai même pas commencé !

La polonaise soupira longuement. Une violente envie de fumer la prit d'un coup, comme à chaque fois qu'elle parlait à cet individu. Malheureusement pour elle, elle devait avoir les deux mains concentrées sur le véhicule si elle voulait éviter une catastrophe, elle allait devoir attendre. Natalia maudit intérieurement Ethan de l'avoir appelée alors qu'elle était devant le feu rouge le plus long du monde.

— C'était pour te dire que j'ai terminé le produit que tu m'avais demandé ! Je te l'amènerais en personne dans la semaine !

— Tu aurais pu m'envoyer un message au lieu de m'appeler ! Quoi qu'il en soit ne me fait pas attendre Leroy ! Et ne me dérange pas plus ! Il y en a qui travaillent figure-toi !

— Mais tu sais que moi aussi je...

Natalia raccrocha avant même qu'Ethan n'ai pu dire quoi que ce soit. Dieu que cet homme l'énervait, avec son air de monsieur je sais tout.

C'était bien simple, la trentenaire détestait au plus haut point le psychiatre, mais elle n'avait pas trop eu le choix. C'était grâce à lui qu'elle avait les bons papiers, alors elle avait fait mine de lui être reconnaissante un temps, avant de lui cracher sa haine au visage.

Pourtant, Ethan n'avait rien contre les gens comme elle, il l'avait aidée sans lui poser plus de questions. Quelque part, elle se sentait tout de même un peu chanceuse.

Soudain, le téléphone sonna une seconde fois. C'était encore Ethan, sans doute pour la narguer, comme à son habitude. En plus le feu venait de passer au vert.

La journée commençait bien...


Sac de PapierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant