Sac de Papier

Chapitre 81 : Encore

L'inspecteur Jimenez n'en pouvait plus. On avait retrouvé un nouveau corps la veille, dans une ruelle obscure où peu de gens passaient. Encore lui. Ce fumier avait déposé le corps en sachant parfaitement qu'on le retrouverait facilement. Il se foutait ouvertement de la gueule du monde. La question était : s'agissait-il du copycat ou du tueur original ?

Il penchait plutôt vers le copycat, car le véritable assassin tuait selon un rythme très précis, à un ou deux jours près. Mais peut-être que ce dernier, ayant évidemment compris qu'on l'imitait, avait pris la mouche et s'était défoulé comme il avait pu. Putain de monstre. Putain d'imitateur. Vivement que ces deux ordures finissent en prison, la région n'en serait que plus tranquille... Jusqu'à ce que quelqu'un prenne la relève.

Le policier allait encore devoir abattre une quantité énorme de travail, ce qui l'épuisait au possible avant même qu'il ne se mette au boulot. La lassitude faisait son apparition au cours de la journée. Il n'avait qu'une seule envie : crever le plus tôt possible, la vie de policier ne lui faisait pas de cadeaux. Et puis, il n'avait pas grand monde pour le retenir. Pas de femme, pas d'enfant, très peu d'amis qui n'en étaient pas vraiment. Personne pour l'empêcher de faire le grand saut.

Heureusement qu'il avait Francis et Alicia dans son groupe, les deux étant particulièrement efficaces dans la chasse aux indices. Ils n'étaient pas encore complètement usés par cette affaire, et pouvaient travailler correctement, ce qu'ils faisaient avec toute la bonne volonté du monde. Surtout Alicia.

Elle avait en effet dressé une liste de suspects potentiels pour l'imitateur du tueur au sac de papier. Le premier d'entre eux était un certain David George, qui selon la jeune femme ferait le candidat idéal pour reproduire les actes affreux du tueur au sac de papier. Elle avait regardé tous les témoignages concernant la victime, y compris les interviews de personnes plus ou moins liées au pauvre jeune homme assassiné pour le trouver. Sur ce point précis, elle était efficace et mettait de l'entrain dans son travail.

Ce David avait une carrure forte qui lui permettrait théoriquement d'enlever des gens. En plus, il travaillait dans l'établissement scolaire où avaient eu les disparitions des malheureuses victimes qu'on avait retrouvées pour l'instant. Mais surtout, quelque chose clochait. Il se montrait trop. En plus, certains témoignages qu'il avait donné lors de la découverte de la mort de l'élève du lycée Garcia Marquèz semblaient se contredire.

Dans une première interview, il disait que l'adolescent était calme et gentil, dans une autre il avançait qu'il était en réalité chahuteur. Tout cela attirait l'œil des policiers, qui iraient lui rendre une petite visite de courtoisie si jamais il devenait aussi suspect s'il passait encore à la télévision lorsque l'on médiatiserait la mort de Robert Green, professeur au lycée Garcia Marquèz.

Jimenez appela le standard de l'hôpital psychiatrique. Il voulait parler au doc, pour savoir si la piste qu'il était en train de suivre pouvait être la bonne. Au fond de lui, il pensait connaitre la réponse. Mais l'expertise du médecin était tout de même vitale, il savait de quoi il parlait après tout.

Il attendit de longues minutes avant qu'on lui réponde enfin. L'hôpital devait sans doute traiter de nombreux appels, ce qui n'était guère étonnant quand on connaissait la nature perverse et vicieuse de Sainte Haelen. Il y avait beaucoup de crimes, de quoi rendre folle et dépressive une bonne partie de la population. Rien que la putain de ville était suffisante pour pousser Gabriel à vouloir changer de commissariat. Peut-être dans le centre-ouest du pays, c'était plus tranquille là-bas. Il y réfléchirait une fois l'affaire du tueur au sac de papier résolue.

Finalement, on prit son appel, avant de le rediriger vers Ethan Leroy. Comme à l'accoutumé, le téléphone sonna trois fois avant que l'on ne décroche. Une habitude qu'avait pris le doc, sans doute pour s'assurer qu'on le dérangeait bien pour quelque chose.

— Bureau du docteur Leroy, j'écoute !

— Doc, c'est l'inspecteur Jimenez, j'imagine que vous savez pourquoi je vous appelle.

Il y eu un petit silence d'une ou deux secondes.

— Je sais, encore le tueur au sac de papier, j'ai vu les infos ce matin dans le journal. Si vous voulez mon expertise il va falloir constituer un petit dossier, pour être sûr que je sois efficace. Mais je présume que vous le savez déjà !

— Je me doute bien doc, je me doute bien... Bon, je vous la fais courte, on a trouvé un suspect potentiel. Je vous enverrai toutes les informations dont vous pourriez avoir besoin. Mais je pense qu'on a peut-être trouvé le copycat. Je n'ai pas beaucoup de preuves, mais je le sens au fond de moi. C'est bien ce type.

Un sifflement admiratif se fit entendre à l'autre bout du fil. Le docteur Leroy reprit la conversation.

— Oh, je vois, je vois... Vous êtes vous-même plutôt efficace ! Envoyez-moi la suite du dossier, que je puisse vous aider.

Le doc avait l'air de bonne humeur, ce qui était très compréhensible.

Il y avait au moins une personne en forme...