Sac de Papier

Chapitre 110 : A tout jamais

Tout n'était que chaos et désordre depuis l'incident de jeudi dernier, le vingt-neuf septembre.

Jimenez était complétement dépassé par les évènements. Deux jeunes adultes avaient été agressés par une tierce personne dans la soirée du vingt-neuf. L'agresseur avait déglingué la serrure de la porte de l'immeuble avec un marteau, avant de faire de même avec la porte de l'appartement que louait l'une des victimes, une certaine Carole Damien.

La femme était déterminée à commettre un double homicide, et s'était protégée avec une cagoule et une paire de lunettes de ski, des fois que ses victimes aient l'idée de se défendre avec une bombe d'auto-défense. Et elle avait vu juste, elle avait été bien accueillie. Elle ne devait pas en être à son coup d'essais.

Avec l'aide de son frère, madame Damien avait contacté la police et le SAMU pour intervenir sur place une fois l'agresseur en question maîtrisée. Le combat lui avait brisé le bras gauche, mais elle s'en était sortie vivante sans autre blessure. Son frère jumeau, Clair Damien, avait fait de son mieux en attendant les secours. Le plus impressionnant, c'était qu'elle n'avait pas une seule fois montré qu'elle avait mal, là où son frère avait été récupéré en larmes.

Carole Damien avait tout le respect de Gabriel. Ce dernier n'avait jamais vu quelqu'un d'aussi courageux et d'aussi calme avec ce qui lui était arrivé. On l'avait retrouvée à consoler son jumeau dans un coin de l'appartement.

Leur assaillante s'appelait Jessica Sanchez, et travaillait en tant qu'infirmière dans le pavillon carcéral de Sainte Marie. Au début, elle n'avait pas été très coopérative, mais avait fini par donner des éléments liés à l'enquête du tueur au sac de papier particulièrement croustillants. Elle dénonçait le tueur, le docteur Ethan Leroy. Elle prétendait que le meurtrier était cet homme, et qu'il était lié à un trafic d'êtres humains avec une certaine Natalia Keriztchki.

Naturellement, tout ce beau monde avait été appréhendé. Natalia s'était décomposée en voyant la police chez elle, et avait tenté de fuir. Rien n'aurait pu être aussi éloquent. A priori elle était de nature anxieuse, mais passons.

Si Jimenez s'était méfié du médecin à un moment de sa réflexion, il n'aurait jamais envisagé que ce dernier pouvait être l'assassin. Inconcevable, et pourtant il était vrai que le coupable était souvent plus prêt qu'on ne l'imaginait. Après tout, François Vérove et Gerard Schaefer avaient eux-mêmes été policiers. Putains de tarés.

Ethan Leroy aurait pu essayer de se défendre. Il aurait pu clamer son innocence dans toute cette affaire, et utiliser sa fortune pour graisser la patte des juges. Mais non, il avait tout avoué dès que Gabriel était venu le voir en personne accompagné d'Alicia et de Francis. Et avec le sourire s'il-vous-plaît ! Il ne semblait pas avoir une seule once de remord. Il avait le pouce cassé, et n'était pas venu travailler le vendredi suivant l'agression des jumeaux. Il sortait avec l'homme a priori.

Il avait tout dit. La manière dont il avait capturé ces pauvres gens, comment il les avait droguées avec un produit de sa conception, comment il les faisait mourir de peur avec son sac en papier kraft sur la tête et un micro pour modifier sa voix. Il avait carrément fait visiter sa cave sans le moindre problème, et avait montré les chaises où il avait assis ses victimes.

Il avait également dénoncé Jessica comme étant l'assassin de David George. Tout semblait lié d'une drôle de manière. Quelque part, Leroy avait résolu l'affaire tout seul comme un grand. Il devait être désespéré pour tout livrer sans sourciller.

Il avait eu l'air fatigué. Son roux s'était partiellement changé en blanc, et le côté abîmé de son visage paraissait encore plus déformé que d'habitude ce jour-là. On l'avait placé en détention provisoire en attendant que le dossier soit complètement clos. Il ne faisait aucun doute que la justice allait le condamner à perpétuité. Autant de morts en six mois, ça faisait beaucoup.

En relisant le dossier, Jimenez avait découvert que l'une des victimes du tueur au sac de papier n'était autre que la grand-mère du compagnon du médecin. Clair Damien sortait déjà avec Ethan Leroy avant l'inculpation de ce dernier.

Leroy avait été catégorique : il avait profité de la faiblesse de Clair, qui était un de ses anciens patients, et l'avait manipulé pour arriver à ses fins. Clair prenait la défense indéfendable de son homme, ce qui semblait corroborer les propos du médecin. La sœur du jeune homme défendait son frère comme une diablesse, et elle avait bien raison. Clair était tout ce qui lui restait de famille.

Avec un peu de chance, Clair Damien ne ferait que de la prison avec sursis. Lui aussi n'était qu'une des victimes de la perversité du tueur. Triste mais vrai, et à la vue de son dossier médical, l'erreur n'était pas permise. Le policier n'avait pas le droit de le lire, mais Gueule-de-fouine lui en avait fait une copie à sa demande.

Toute cette histoire se finissait d'une bien drôle de manière. Et en plus, une nouvelle affaire avait éclaté, celle d'un trafic d'êtres humains.

Finalement, la venue du médecin avait été salutaire, malgré lui.