Sac de Papier

Chapitre 6 : David

David était un homme comme les autres. De taille ordinaire, les épaules un peu larges, le dos à peu près droit, sans plus. Très peu de personnalité, assez standard quand on y pense. Il y avait bien cette marque au visage qui le distinguait des autres, mais ce n'était pas encore assez pour lui. Il devait être extraordinaire dans son physique.

Le blond trentenaire depuis peu était agent d'entretien dans l'un des lycées de Sainte Haelen. Si les élèves ne faisaient pas attention à lui, trop concentrés dans leurs affaires, ce n'était pas le cas des adultes, qui avaient presque tous un certain respect pour son travail. Cela le réconfortait quand il faisait l'effort de regarder les gens dont il améliorait le confort en nettoyant le bâtiment. Il avait l'impression qu'il comptait un peu. Il se sentait utile.

Presque comme les autres.

Oh, il y avait bien ce salopard de monsieur Green qui lui posait un problème. Lui, il ne le supportait pas, trop dans son monde pour comprendre la misère des pauvres gens. Car c'était ça David, une pauvre gens. Il allait bientôt lui rendre la monnaie de sa pièce, d'une manière bien particulière.

Il songeait souvent que dans d'autres circonstances il aurait pu être une célébrité connue à l'internationale. Quelqu'un doté d'une aura unique en son genre. Quelqu'un que tout le monde connaissait pour ses faits. Quelqu'un qu'on ne pourrait pas oublier pendant des années.

Comme Charles Manson.

David observa le masque en papier kraft qu'il avait posé sur son bureau. De belle taille, sans pour autant en faire trop, avec des trous qu'il avait soigneusement découpé pour les yeux. Ceux de sa victime. Bien sûr, c'était pour le style, car cette personne n'aurait pas l'occasion de voir au travers des ouvertures du sac : il l'aurait tué bien avant.

Il avait enlevé ce jeune homme par pur instinct. Ses sens lui dictaient de le faire, c'était une obligation en soi. Alors, il leur avait obéit, ni plus ni moins. Il ne ressentait pas grand-chose, comme s'il était programmé pour agir ainsi. Quelque part, il considérait que c'était tout à fait normal pour lui. Le quotidien en quelque sorte.

Sa victime avait les cheveux longs. De beaux cheveux moutons tous blonds. Et des yeux, quels yeux ! D'un bleu presque cristallin, avec quelques reflets dorés. Malheureusement, ils étaient surtout rouges et gonflés à force d'avoir pleuré. Ce détail défigurait l'adolescent complétement, à tel point que David avait presque envie de le laisser partir. Mais il ne pouvait pas, sinon il allait avoir de sacrés problèmes. Il pouvait parfaitement s'en passer.

Le visage du blond qu'il avait kidnappé était doux comme celui d'un enfant, même si quelques poils commençaient à pousser sur son menton. Il fallait les enlever, pour le rendre plus beau encore. Car il devait être beau, avoir un physique parfait, unique en son genre. Sa victime ne devait pas être n'importe qui.

David avait songé à s'unir à lui, mais s'était stoppé avant même d'essayer. On allait le retrouver très vite s'il laissait ne serait-ce qu'une seule trace d'ADN, et il ne fallait pas qu'il se fasse arrêter. Pas tout de suite. Il devait en tuer plus. Beaucoup, beaucoup plus.

Jusqu'à ce que quelqu'un l'arrête dans sa folie.

Alors seulement il deviendrait le nouveau Charles Manson. Il allait devenir une légende urbaine, un monstre au-delà des autres.

Il allait devenir quelqu'un.

Tant pis, David n'allait pas coucher avec cette personne. Bah, il n'aurait qu'à se payer les services de la prostituée qu'il allait voir tous les deux mois. C'était plutôt triste, car ce jeune aurait pu être le premier homme avec qui il se serait uni. Il se plaisait à imaginer les sensations qu'il pourrait ressentir une fois en lui. Il était vraiment dégouté de ne pas pouvoir s'amuser un peu plus, mais c'était ainsi. Il fallait bien rester un peu rationnel.

Rationnel.

Il frappa violement le bureau de la main gauche, faisait trembler le sac de papier kraft. Aussitôt, une sensation de chaleur jaillit de ses doigts, se répandant doucement dans le reste de sa main. Lorsqu'il regarda ses phalanges, il constata qu'elles étaient devenues rouges. Il allait devoir attendre un peu avant de poursuivre son petit jeu.

Il fouilla malgré tout dans la petite trousse médicale qu'il avait achetée sur internet, et se saisit d'une seringue encore dans son emballage stérile.

David avait pris soin de commander son matériel dans un cyber café loin de Sainte Haelen. Il avait fait de son mieux pour qu'on ne l'arrête pas, mais il ne savait pas dans quelle mesure ses précautions allaient lui être utiles. En tout cas il n'avait pas commis l'erreur de se servir du matériel informatique du lycée dans lequel il travaillait. Il n'était pas stupide à ce point.

Il se retourna sur sa victime, et constata avec étonnement qu'elle s'était faite dessus.

Finalement, David n'allait peut-être pas s'amuser à raser cet adolescent. Non, il allait plutôt le tuer rapidement, il était trop dégouté.

« Désolé p'tit gars, c'est le boulot qui veut ça. Mais bientôt ce sera fini.

Bientôt. »