Sac de Papier

Chapitre 39 : Émotions

Ethan et Clair étaient rentrés chez eux. La tension dans la voiture, qui avait été très élevée au début, avait bien diminué à partir du moment où les filles avaient été ramenées chez elles.

Elles n'avaient pas arrêté de parler du tueur au sac de papier, et remerciaient Ethan de prendre soin d'elles. Clair avait été livide pendant tout ce temps, et ne s'était calmé qu'une fois les danseuses loin de lui.

En revanche, si jamais le médecin avait été mis mal à l'aise, il n'en avait rien montré. Il avait en règle générale un très bon contrôle de son humeur.

Ce dernier ouvrit la porte d'entrée qu'il avait soigneusement fermé à clef avant de partir pour le Blue Butterfly, au cas où. On ne savait jamais quel tordu pouvait s'infiltrer chez vous parce que vous avez oublié de verrouiller votre domicile.

Il le savait d'expérience.

Clair lui avait tenu le bras dès leur sortie de la voiture. Il lui bécota copieusement la joue, avec un mystérieux sourire sur le visage. Ses yeux étaient dans le vague, fixant un point invisible au regard d'Ethan.

Il devait encore être sous le choc, ce qui n'étonnait guère son compagnon. Ce n'était pas la première victime d'agression sexuelle qu'il connaissait, certains de ses patients faisaient de monstrueux cauchemars, et n'accordaient leur confiance qu'au praticien.

Une réaction normale après ce genre d'événement.

— Comment tu te sens Clair ? Ça va ?

— Oh... oui, oui, ça va... tant que je suis avec toi tout va bien... Embrasse-moi au lieu de t'inquiéter pour moi. Ah, mais il faut que je me démaquille... Tu m'accompagnes dans la salle de bain ?

Le médecin était perplexe. Depuis quand son compagnon agissait ainsi ? Il allait falloir le remettre à sa place, et vite, sinon il gagnerait du terrain, et leur relation allait changer du tout au tout. Ethan ne voulait pas ça le moins du monde. Il ne voulait pas perdre le contrôle. Il ne voulait pas revivre avec son père.

Surtout pas. Il n'avait pas tué Patrick Leroy pour rien.

— Va te démaquiller tranquillement, on prendra un bain après si tu veux.

— D'accord mon chéri.

C'était la première fois que Clair lui disait « chéri ». Il n'était clairement pas dans son état normal.

Le couple se dirigea vers la salle de bain après qu'Ethan ait verrouillé la porte d'entrée. Le médecin nettoya la partie détruite de son visage avec un soin tout particulier, pendant que Clair s'occupait de ses quelques traces de maquillage.

C'était la première fois qu'ils s'occupaient ensemble de leur visage, devant la glace.

Le côté gauche du psychiatre avait enflé, ce dernier sentait qu'une crise était sur le point d'arriver. Il la réprima du mieux qu'il le pouvait, mais c'était dur.

Très, très dur.

Il clignait de l'œil droit toutes les secondes, et fermait très fort sa paupière. L'œil gauche essayait de suivre le rythme, en vain.

— Ça ne va pas Ethan ?

— Je vais bien. Ne t'inquiète pas pour moi.

Clair le prit sans prévenir dans ses bras en faisant très attention à ne pas faire de gestes brusques.

Il passa ses bras derrière les épaules de son partenaire, rejoignit ses mains dans son dos, et déposa un petit baiser sur les lèvres. Le médecin se calma presque immédiatement, comme par magie.

C'était la première fois qu'une de ses crises avait pu être évitée aussi facilement. Sa tête avait arrêté de tourner, et Clair semblait l'avoir remarqué. Le jeune homme lui souriait de toutes ses dents.

Bon sang, qu'il était beau... Le plus bel homme sur toute la Terre.

Clair était bien calme pour une victime d'agression sexuelle. Il avait même réussi à être assez fort pour calmer une crise du docteur comme ça, sans faire d'efforts particuliers.

Il devait avoir l'habitude de gérer les crises du psychiatre, aussi rares pouvaient-elles être. Du moins, c'était ce que le médecin se disait pour essayer de se rassurer un peu.

Mais rassuré, il ne l'était pas. La soirée était en train de tourner en sa défaveur, mais le pire n'était pas là.

Ethan appréciait cela.

— Je t'aime Ethan. Vraiment.

— Je sais... je sais... On prend un bain ? tenta le psychiatre pour se donner de la consistance.

Clair souriait encore et toujours. Il fit glisser ses mains dans celles de son compagnon.

Le monde à l'envers.

A l'envers.

— C'est moi qui me mets du côté robinet ! clama le jeune homme.

— Pourquoi pas, pourquoi pas.

Clair fit couler l'eau chaude, mit du gel douche au fond de la baignoire pour faire de la mousse, et s'installa aussi confortablement qu'il le pouvait. Ethan le suivit sans dire un mot.

— Ça va aller mon chéri ? demanda le jeune homme, manifestement inquiet.

— Oui, pourquoi ?

— Oh comme ça, comme ça, ne t'en fais pas.

Menteur. Clair n'était qu'un menteur.

Mais il était si séduisant.

Ethan décida de lui pardonner. Il voulait tout lui pardonner. Il voulait se donner à lui.

Qu'est-ce qui se passait ?

Le médecin n'avait pas de réponse, mais il s'en fichait.

Il préféra se noyer dans l'iris noire de son compagnon.

Dieu que c'était agréable.