Sac de Papier

Chapitre 106 : Donne m'en plus

Gueule-de-fouine était aux anges. Non seulement on lui avait confié un travail des plus intéressant avec l'affaire du tueur au sac de papier, mais elle s'était en plus faite une nouvelle amie.

Elle s'appelait Carole, tout comme l'informatrice sur les papiers. Elles avaient plusieurs choses en commun, comme leur orientation sexuelle et quelques traits de leur visage respectif. En revanche, leurs goûts en termes de vêtements différaient totalement, dommage. Dommage, mais intéressant.

Gueule-de-fouine avait également appris que cette charmante demoiselle aux cheveux rouges avait un jumeau. Un jumeau efféminé qui vivait avec un psychiatre.

Coïncidence ? Sûrement pas. C'était le mec du docteur Leroy.

La jeune femme s'était dirigée vers la maison du médecin, un homme qu'elle connaissait indirectement par le biais d'une de ses sources. Un infirmier chauve qui pouvait lui donner toutes les informations qu'elle voulait, à condition qu'elle mette la main à la poche. C'était un véritable trou à fric, mais du fric elle en avait à foison. Elle aurait pu écrire un livre polémique sur l'asile psychiatrique de Sainte Haelen avec tout ce qu'elle savait sur ce sujet.

Et elle savait des choses vraiment moches. C'était ainsi qu'elle en était venue à étudier le docteur Leroy. Un homme bien sous tous rapports, cordial et aimé pour ses compétences. Il était le plus jeune chef de pavillon, et pas n'importe quel pavillon, s'il-vous-plaît ! Le pavillon carcéral. Il avait fait de superbes études pour en arriver là, un génie parmi les génies.

Et pourtant, il ne faisait pas peur à Gueule-de-fouine. L'informatrice en savait beaucoup au sujet de cet homme. L'infirmier avait laissé trainer ses oreilles un peu partout, et avait même pu pénétrer dans le bureau de son supérieur pour fouiller un peu. C'était ainsi que la jeune femme avait su pour l'enquête.

Ethan était décidément un homme bien étrange, mais bougrement estimé, puisqu'on avait fait appel à ses services pour attraper le tueur en série.

Il avait fait un coming-out à ses collègues il y a peu. A priori il n'était pas gay, mais bel et bien en couple avec un homme qui, selon les termes du docteur, embrassait avec merveille son côté féminin. Ce n'était pas du goût de tout le monde, en particulier de monsieur Charme, l'indic de l'informatrice. Mais cela n'était guère important à vrai dire. Le plus important, c'était que les éléments s'emboîtaient les uns dans les autres sans trop de difficulté.

A peine arrivée devant la maison du psychiatre, la demoiselle avait vu un jeune homme légèrement vêtu quitter dignement le bâtiment. Il ressemblait vaguement à Carole Damien, avec des cheveux noirs et une longue mèche blanche sur le côté droit du visage. Ce devait être le jumeau de la jeune femme.

Gueule-de-fouine attendit que l'homme soit loin d'elle pour faire le tour du pâté de maison. Aussi étonnant que cela pouvait être, l'endroit était désespérément vide. Pas une seule maison qui semblait habitée, si ce n'était celle du médecin. Curieux, il faudrait enquêter un peu plus pour comprendre cette drôle de situation.

La jeune femme n'avait qu'une envie : rentrer dans la demeure du médecin et fouiller dedans. Mais elle savait aussi que c'était une très mauvaise idée, elle ne ferait pas le poids contre le propriétaire. Il était plus grand, plus costaud et plus fort qu'elle, ça ne faisait aucun doute.

La nature curieuse de l'informatrice la poussait à l'exploration, mais ce serait pour une autre fois.

Alors, une lumière de l'une des habitations s'alluma. Intriguée, Gueule-de-fouine s'avança, non sans se faire la plus discrète possible. Elle pouvait devenir presque littéralement invisible quand elle le voulait. Et là elle en avait envie.

La lumière était au rez-de-chaussée d'une maison qui faisait deux niveaux, peut-être trois s'il y avait une cave.

Une femme qu'elle reconnaissait était en train de ranger ses courses dans un frigo à peine assez grand pour tout contenir. C'était l'une des collègues de son indic, une certaine Jessica Sanchez. Charme n'aimait pas cette personne.

Si l'informatrice avait d'abord pensé qu'il ne l'aimait pas à cause du fait qu'elle était racisée, elle avait dû se rendre à l'évidence : c'était pour une tout autre raison. Selon les termes du monsieur, Jessica était une timbrée, comme les internés du pavillon carcéral. Elle était dangereuse, et n'hésiterait pas à attaquer si le besoin s'en faisait sentir. Il avait encore craché sur cette femme aujourd'hui même.

C'était le jour des visites, et elle avait remise à sa place une patiente défigurée. Une certaine Kassandra Valentini, tueuse en série dans une autre région du pays, qui avait fini internée à Sainte Marie. On pouvait dire de Jessica ce que l'on voulait, elle avait de sacrées couilles pour s'en prendre verbalement à cette personne.

La jeune femme mal habillée songea. Madame Sanchez avait manifestement les bras assez musclés, on pouvait bien les discerner avec ce tee-shirt à manches courtes. Prudence était de mise si l'envie d'explorer prenait l'informatrice.

Elle en avait assez vu pour aujourd'hui, autant retourner chez elle pour l'instant. Elle tourna les talons, et dû se retenir de siffler de contentement, ç'aurait été bête de se faire attraper au dernier moment.

Elle reviendrait bientôt, elle s'en fit la promesse.