Chapitre 111 : Renouveau

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— Tu as bien pris toutes tes affaires ?

— Oui, t'inquiète. On peut partir quand tu veux. Juste, laisse-moi fumer une dernière clope.

Clair venait tout juste de sortir de l'hôpital. Il avait écopé de trois ans de prison avec sursis et d'un an d'internement psychiatrique en pavillon sécurisé. Le fameux pavillon où avait bossé Ethan. Ça aurait pu être pire comme sanction pour avoir couvert les actes de son compagnon, il ne s'en plaignait pas.

Le procès d'Ethan avait eu lieu rapidement après le passage aux aveux de ce dernier. Le tueur avait longuement défendu son compagnon, arguant qu'il lui avait lavé le cerveau et qu'il l'avait malicieusement « reprogrammé ».

Natalia et Jessica avaient elles aussi eu leur propre procès. La première pour trafic d'êtres humains dont des personnes mineures, elle avait pris dix ans et plus d'un million d'euros d'amende. Elle n'allait pas s'en remettre, et c'était tant mieux. La seconde avait pris près de cinquante ans toute peines confondues, pour coups et blessures sur Carole, mais aussi pour meurtre à l'égard du copycat du tueur au sac de papier.

Ethan de son côté avait tout simplement pris une peine de prison à perpétuité, ainsi que des amendes aux familles des victimes qui avaient fini de le ruiner. Sa carrière, sa réputation, ses maisons, son argent, tout avait disparu. Si Carole en était satisfaite, ce n'était pas le cas de son frère, qui avait pleuré une fois sorti du tribunal. Il était dévasté qu'un homme tel qu'Ethan puisse tout perdre du jour au lendemain, pour lui c'était tout bonnement inconcevable.

Puis, lentement mais sûrement, le jeune homme avait fini par intégrer toute la monstruosité de cette affaire. Il avait longtemps déréalisé, et les discussions avec sa nouvelle praticienne -il avait insisté pour que ce soit une femme- l'aidaient à mieux appréhender tout ce qu'il s'était passé.

Il se sentait globalement chanceux d'être désormais libre, on l'aurait sans doute agressé et violé en boucle en prison. On ne l'enverra pas là-bas tant qu'il ne faisait pas de bêtise, et il comptait bien se tenir à carreau.

Ethan lui, allait échapper à toute agression, cela ne faisait aucun doute. Les types dans son genre étaient incarcérés dans des cellules loin des autres criminels et délinquants, pour éviter qu'il ne se fasse tuer. Du moins, pas tout de suite. Bah, il était un dur à cuire, il finirait toujours par s'en sortir, ce n'était que pur hasard que sa carrière de tueur n'ait duré « que » six mois.

Carole, elle, n'était pas rentrée aux Etats-Unis. Elle avait fait l'aller et retour pour récupérer ses affaires et clore son bail, quittant par la même occasion sa colocataire Emilia. Cette dernière ne l'avait pas mal pris, et continuait de discuter avec la femme aux cheveux rouges de temps en temps sur internet. Clair pensait que l'amie de sa sœur avait des sentiments pour elle, mais la principale intéressée n'y croyait pas beaucoup.

La jeune femme avait loué un appartement près de l'hôpital, pour pouvoir aller voir son frère quand l'heure des visites arrivait. Il recevait Marilyn de temps à autre à la place de sa sœur, elle avait bien voulu rester son amie malgré les événements. C'était une chouette fille mine de rien.

Tout avait été compliqué, mais les jumeaux avaient eu la chance de tomber sur des personnes sympathiques et qui ne posaient pas trop de problème. Le personnel soignant était étonnamment assez gentil compte tenu de la situation plus que délicate de Clair.

Il était à présent temps de quitter cette putain de ville de fou. Cela faisait trop longtemps que le frère et la sœur y souffraient. Leur père était lui-même sorti de prison, alors il valait mieux faire profil bas. Il n'avait pas le droit d'approcher ses enfants, mais rien ne pourrait l'empêcher de foutre sa merde s'il s'en sentait l'avis.

Clair écrasa son mégot de cigarette, et fixa la ville en soupirant. Il regarda ensuite ses bras nus et le reste de tatouages que le laser n'avait pas pu enlever. Se débarrasser de cette partie de son corps, de son histoire personnelle, était un moyen de faire le deuil de sa relation passée. Il se referrait d'autres tatouages aux endroits qu'il avait fait effacer avec plus ou moins de succès. Mais avant cela, il comptait bien rattraper le temps perdu, il porterait des manches longues pour cacher la misère en attendant.

Carole passa derrière lui, et croisa ses bras sur la poitrine de son frère.

— Ça va aller ?

— Ouais, ouais ça va aller. Ça va aller.

Il retint de justesse une petite crise de larmes. Au fond de lui, il sentait que cette histoire n'était pas tout à fait terminée. Son instinct lui hurlait que quelque chose se tramait. Peut-être avec son père ? Il n'en savait rien.

Il jeta sa valise dans le coffre sous le bus, et rejoignit sa place numérotée avec sa sœur. Direction le centre-ouest du pays, histoire de refaire sa vie. Il n'avait que vingt-cinq ans, il était encore jeune et dynamique.

Il s'installa à sa place et s'endormit paisiblement.


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