Chapitre 27 : L'hésitation d'une femme

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Natalia avait comme qui dirait le cul entre deux chaises. Elle ne savait pas si elle devait répondre à l'invitation de Leroy ou non, elle hésitait sincèrement.

Ce dernier lui avait en effet envoyé une lettre rédigée à la main l'invitant à participer à une soirée dans une boite de nuit hot de Sainte Haelen, qu'il avait sans doute privatisé pour l'occasion : le Blue Butterfly. Elle connaissait l'endroit pour être un vrai repère de gays et de LGBT de manière générale. Elle ne s'y sentirait sans doute pas à sa place, ce qui ne la motivait pas le moins du monde pour y aller.

Non, elle ne s'y sentirait clairement pas à sa place. Elle avait fait tout ce qu'elle avait à faire pour être enfin elle-même, elle ne voulait plus rien à voir avec ces gens, qu'elle considérait au mieux comme exubérants, au pire comme grotesques. Natalia qui n'avait de manière générale que très peu de compassion pour le genre humain, n'en avait absolument pas quand il s'agissait de ces chouineurs. Dieu qu'elle en avait assez de ces polémiques à deux francs six sous, ils n'avaient qu'à agir directement plutôt que de se plaindre pour un oui pour un non.

S'était-elle déjà plainte à ce sujet par le passé ? Non, bien entendu, alors pourquoi cette communauté ne ferait-elle pas pareil ?

Bien entendu, elle refusait de dire à voix haute ses opinions, que beaucoup considéreraient comme douteuses. Elle avait eu assez d'ennuis comme cela jusqu'à présent.

Elle réfléchissait intensément.

Si elle venait à la fête, alors elle se risquait de se retrouver avec le psychiatre toute la soirée, ce qui n'était clairement pas une idée qui l'intéressait, car le défiguré l'énervait au plus haut point. Mais d'un autre côté, si elle lui posait un lapin il risquerait de la harceler au téléphone pour se venger. Il ne lui avait d'ailleurs toujours pas présenté le produit qu'elle lui avait demandé.

Il faisait exprès. Pour la faire chier.

Et ça marchait. Très bien même.

Viendrait-elle ou ne viendrait-elle pas, telle était la question. En attendant de trancher la question, Natalia installa une cigarette au bout de son porte-cigarette en ivoire, cadeau de feu sa mère. Cette dernière avait toujours accepté sa fille telle qu'elle était vraiment, ce qui était un très grand soutien mine de rien.

Pas son père.

Quand elle l'avait tué en bouchant la cheminée de sa chambre en hiver, elle avait eu très peur de se faire attraper par la police. Heureusement, il ne lui était arrivée aucune bricole de ce genre.

C'était passé de peu, une enquête avait eu lieu, mais devant l'absence de preuves, les forces de l'ordre n'avait rien fait contre elle. Un sacré coup de chance quand on savait que ce projet avait été décidé à la dernière minute.

L'idée lui était venue lorsqu'Ethan lui avait parlé de la mort d'Emile Zola. Elle avait utilisé une partie de sa fortune pour faire appel aux services d'un artisan, afin que ce dernier bouche la cheminée de son père. Puis, le lendemain, après avoir constaté le décès de cet homme pour le moins désagréable, le complice du meurtre avait effacé toutes les preuves en débouchant le conduit.

Ce qu'il ne savait pas, c'est que Natalia avait trafiqué les freins de sa voiture.

Une fois débarrassée du seul qui connaissait la vérité, elle s'était mise en tête de tuer Ethan, qui allait immédiatement comprendre la supercherie mise en place. Cela n'allait pas être une grande perte de toute façon, le monde se serait mieux porté sans Ethan Leroy.

Elle avait dû se rendre à l'évidence : il fallait abandonner ce projet, aussi satisfaisant aurait-il pu être. La raison ? Elle avait trouvé ce parasite chez elle quelques jours après le crime, entré avec un double des clefs qu'il avait eu Dieu sait où, et des photographies très nettes de sa maison close. Et tout particulièrement des travailleurs et travailleuses à l'intérieur.

De ses jeunes travailleurs.

Elle avait été contrainte par la force de laisser vivre Ethan, ce qui avait provoqué chez elle un vif sentiment d'échec et d'humiliation. Elle ne lui avait pas encore pardonné.

Elle ne lui pardonnerait jamais. Parce que telle était Natalia Keriztchki. Parce qu'elle était librement elle-même, et qu'elle avait appris, à la dure, qu'il ne fallait jamais céder.

Jamais.

L'un de ses chats vint vers elle, sans doute dans l'espoir d'avoir de la nourriture, ou à défaut des câlins. C'était un chat nu avec de très beaux yeux jaunes. Quand elle l'avait vu derrière une vitrine d'une quelconque et inintéressante société dédiée à la protection des animaux, elle avait su qu'un lien s'était immédiatement créé entre elle et cette adorable créature. Elle lui offrit un baiser sur le front, et le laissa se frotter contre elle, pendant qu'elle tirait sur sa cigarette.

Elle s'était décidée en voyant son animal fétiche : elle viendrait. Car au fond, elle avait besoin d'Ethan Leroy, de la même manière qu'Hyppolite le chat avait besoin d'elle. Sans lui, elle n'était pas grand-chose, elle lui devait au moins ça. Car chez les Keriztchki, on savait faire preuve de clémence même envers l'ennemi.

Fait chier.


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