Carole était nerveuse. Cela faisait trop longtemps qu'elle n'avait pas vu son frère, on pouvait le voir à ses tics nerveux. Elle claquait des doigts mécaniquement et mordillait sa lèvre inférieure sans même y penser. Cela faisait longtemps qu'elle ne l'avait pas fait.
Elle le fit entrer dans son humble demeure temporaire, et lui proposa un café. Il ne refusa pas, comme d'habitude, et hocha la tête en guise de réponse. Il n'avait pas changé à ce niveau-là, timide même avec sa propre jumelle.
Clair avait désormais une longue mèche blanche sur le côté droit des cheveux, le reste de sa chevelure avait la même longueur qu'au moment où la fratrie s'était séparée. Il était venu avec un maquillage bleu nuit sur les paupières et un rouge à lèvre discret. Il semblait enfin pouvoir utiliser du make-up, comme il l'avait toujours voulu. C'était impossible du temps où ils vivaient chez mamie J, alors il devait sans doute profiter de cette nouvelle liberté.
Mais était-il libre avec le docteur Leroy ? La jeune femme en doutait fortement, même si elle n'allait sans doute pas aborder le sujet d'elle-même.
Il portait un pantalon noir en toile, plus étroit au niveau des cuisses et large aux chevilles. Avec ça, une chemise à froufrous blanche et une cravate noire. Ça lui allait bien. Du moins, c'était ce que sa sœur pensait. Ça le changeait des vêtements qu'il mettait d'ordinaire. Il semblait enfin pouvoir être lui-même.
Il tremblait un peu, peut-être de froid, il était habillé légèrement et il faisait un petit dix-huit degrés dehors. Mais Carole n'y croyait pas, il n'avait jamais été frileux. C'était plutôt la peur.
Il avait toujours craint les retrouvailles avec les gens qu'il n'avait pas vu depuis longtemps, ça avait été pareil avec mamie J. Il avait bien raison d'avoir peur de revoir sa grand-mère, la seule qui leur restait. Elle n'avait jamais été tendre avec les jumeaux.
Mais elle était morte maintenant.
La jeune femme aux cheveux rouges entama la discussion pendant que le café de son frère coulait. Elle continuait de claquer ses doigts, mais avait arrêter de se mordre la lèvre. Elle avait maintenant un goût de sang dans la bouche.
Merde.
— Alors... Comment ça va en ce moment ?
— Oh, bien... bien. Ça va. Et toi ?
Carole déglutit. Elle avait oublié à quel point la voix de son frère était grave. Elle n'avait plus l'habitude, cela faisait trop longtemps qu'ils ne s'étaient pas parlé. Il était temps de rattraper le temps perdu.
— Je... ça va aussi. Je me suis inquiétée pour toi, j'ai eu comme un mauvais pressentiment samedi. J'espère me tromper, mais...
— Une femme a essayé de me violer.
La mâchoire de la jeune femme manqua de se décrocher sur le coup. Ses yeux, écarquillés, transmettaient malgré eux le choc de cette révélation.
— Je... je suis désolée...
— Tu n'as pas à l'être, Ethan est arrivé à temps.
Le jeune homme à la mèche blanche essuya une larme qui commençait à couler sur ses joues. Carole n'avait pas besoin de l'entendre parler pour comprendre que ce qui lui était arrivé relevait d'une très grande gravité. Elle ne sût quoi dire. Peut-être que le mieux était de ne rien dire, elle ne savait pas trop.
Elle s'approcha de son frère, qui entretemps s'était mis assis et lui donna un câlin. Au début, Clair n'était pas très impliqué, puis les larmes jaillirent de ses yeux, avant qu'il ne s'accroche à sa sœur. Il se mit à chialer de toutes ses forces.
Carole lui caressait doucement les cheveux, et déposait de temps en temps des baisers sur son front. Il se calma au bout de quelques longues, très longues minutes
— Je sais que je n'y suis pour rien mais je suis désolée quand même. Ethan a pris soin de toi après ça ?
— Je... oui, il a été adorable. Il m'a beaucoup aidé, mais on n'en a pas parlé ensemble. Je fais des cauchemars tous les jours, mais j'ai trop peur de lui dire, je ne veux pas le déranger plus que je ne le fais déjà... Pardon...
La jeune femme aux cheveux rouges se mit à genoux, pour se mettre à la hauteur de son frère. Elle en profita pour prendre la boite de mouchoirs posée sur la table, et essuya les larmes de Clair. Elle était profondément abattue, mais tâcha de ne pas le montrer, Clair avait autre chose à faire que de s'inquiéter pour elle.
— Je suis là maintenant, ça va aller... ça va aller...
Carole resta encore un peu de temps à côté de son frère, puis se leva quand ce dernier semblait s'être un peu calmé. Alors, elle alla chercher sa tasse de café, ouvrit la porte du placard de la cuisine intégrée dans le salon, et prit le sirop d'érable pour sucrer la boisson de l'homme à la mèche blanche. Elle lui tendit la tasse fumante, que son frère prit avec délicatesse.
— Je t'aime Clair, je t'aimerai toujours pour qui tu es, sois-en sûr.
Le jeune homme hocha la tête.
— Je t'aime aussi Carole, je t'aime aussi...
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Sac de Papier
Mystery / ThrillerLes habitants de Sainte Haelen n'osent plus sortir de chez eux. La raison ? Le mystérieux tueur au sac de papier qui sème la terreur depuis six mois. Une seule solution pour que la police puisse l'attraper : Ethan Leroy, psychiatre de renom, habile...