Chapitre 78 : Sèche mes larmes

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Clair avait envoyé un message à Ethan pour lui dire qu'il allait manger avec son amie. Bien entendu, il s'agissait en réalité de sa sœur, mais ça, le psychiatre n'était pas obligé de le savoir.

Carole avait commandé une pizza chez un restaurateur italien de Sainte Haelen, le meilleur qu'elle connaissait. C'était le premier repas entre frère et sœur depuis plus d'un an et demi. Et Dieu qu'ils avaient tous les deux attendu longtemps cet événement.

— Tu as des tatouages sur les bras maintenant ?

Les flammes sur les avant-bras de Clair n'étaient pas entièrement cachées par sa chemise à froufrou. Plutôt fier de ce travail, il retira sa chemise, il portait un crop-top en dessous, bien avant que ce vêtement ne soit à la mode.

Carole dévora les tatouages du regard. Elle semblait étonnée, et il y avait de quoi, puisque son frère n'avait jamais été un adepte de ce genre d'art. Elle détailla également les triangles noirs et rouges qui formaient un collier au jeune homme. Ce dernier ne savait pas trop où se mettre.

— Et tu as des piercings maintenant ! Ça fait combien de temps ?

— Ceux à la lèvre datent d'il y a un peu plus de neuf ou dix mois je dirais. J'ai fait ceux aux oreilles il y a quelques jours, j'avais envie de changer de look. Ça te plait ?

— J'aime bien. Enfin, ça c'est si tu les as faits pour toi et pas pour lui.

Touché en plein cœur. Allait-il lui avouer que ces changements physiques étaient l'idée du médecin ?

Son silence avouait tout à sa place.

— Oh... je n'en reviens pas... Et tu l'as écouté ?

— Tu ne sais pas comment c'est de devoir plaire à un homme que tu aimes plus que tout au monde. Et puis, j'étais consentant pour la plupart de mes tatouages.

— Pour la plupart ?

Clair baissa les yeux. Elle avait raison, ce n'était pas normal. Mais qu'y pouvait-il ?

— Enfin, bon, passons... Mamie J t'a presque tout légué hein ? Je ne lui en veux pas, elle devait avoir ses raisons, mais quand même... C'est un fou qui l'a assassiné si j'ai bien compris ?

— Oui, c'était l'une des premières victimes du tueur au sac de papier. Ça fait à peu près six mois qu'il a commencé à tuer, une vraie machine... Je doute que la police l'attrape de sitôt, il doit être très malin.

— J'imagine oui... Papa est toujours en prison au moins ?

— Oui, il est toujours dans sa cellule. Je lui ai rendu visite une fois peu après ton départ. Il est toujours comme il était à l'époque, un gros fils de pute...

Le jeune homme à la mèche blanche se couvrit aussitôt la bouche. Il avait oublié à quel point il pouvait se lâcher en présence de sa sœur.

— Oups, pardon, ce n'était pas voulu...

— T'inquiètes, mamie J était terrible elle aussi à sa façon. Tu as continué les cours de pole dance ?

— Oui. J'ai fait une pause d'un an, et j'ai repris il y a peu. Je pense que ça me fait du bien, je me suis même fait une amie. Elle s'appelle Marilyn, c'est une fille très gentille et attentionnée, même si ça me prend toujours beaucoup d'énergie de discuter avec elle. J'ai dit à Ethan que j'allai la voir aujourd'hui, je sais que vous ne vous entendez pas tous les deux.

Carole haussa les sourcils.

— Avant tu ne lui aurais jamais menti. Il s'est passé quelque chose pour que votre relation en soit là ?

— Pas vraiment... Je sais qu'il ne m'aime pas vraiment, mais j'ai besoin de lui, comme lui a besoin de moi pour se sentir supérieur. Mais je sais que si tu me proposais de partir de chez lui pour vivre avec toi à l'étranger la question se poserait. C'est compliqué dans ma tête en ce moment... Mais je suis content de te revoir, ça faisait longtemps.

— Trop longtemps...

Carole ouvrit la bouche avant de la refermer. Elle voulait dire quelque chose, mais n'osait pas. Clair aussi avait envie de lui parler. Il voulait lui dire qu'Ethan était le tueur au sac de papier. A cet instant précis, il voulait le dénoncer, et partir faire sa vie avec sa sœur.

Seulement... Seulement il ne pouvait pas. Pas tout de suite. Il devait au moins attendre que le véritable assassin arrête le copycat qui sévissait dans la région. Uniquement après cette affaire réglée il pourrait peut-être dénoncer son compagnon et partir loin de lui.

Il l'aimait tellement fort... Mais cela ne suffisait plus. Ethan lui faisait peur, et depuis quelques temps, il faisait une grosse crise tous les mois. Ce n'était plus possible. Et pourtant Clair s'accrochait à l'homme qui avait fait chavirer son cœur. Il préféra tout garder pour lui pour l'instant.

— Je... je vais devoir partir à un moment, Ethan va peut-être se douter de quelque chose, et je n'ai pas envie de lui dire que tu es là, qui sait comment il pourrait réagir...

Carole ne semblait pas d'accord. Pourtant, elle hocha la tête.

Elle le comprenait mieux que personne. Et cela lui avait manqué.

Terriblement.


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