Natalia, écumait de rage, une fois n'était pas coutume.
Si, bien sûr que c'était coutumier. Voilà qu'elle avait menacé il y a peu l'autre défiguré, et que ce dernier la menaçait très clairement de la dénoncer en tant qu'assassin de Stanislas Keriztchki en retour. Résultat, elle ne savait toujours pas quand le médecin allait lui présenter sa nouvelle drogue. Elle l'aurait bien tué de sang-froid si elle n'avait pas autant besoin de cet immonde fils de pute.
En attendant, elle caressait Hyppolite le sphinx, plus pour se détendre que pour lui faire du bien.
Entendons-nous sur un point, Natalia adorait ses chats. C'étaient ses enfants chaotiques, prompts à renverser de la porcelaine sur son sol en carrelage, à se faire les griffes sur les murs fraichement repeints et à se bagarrer pour une seule et même litière alors qu'il y en avait assez pour tout le petit peuple. Oui, ils faisaient souvent des bêtises, mais l'amour qu'elle leur portait était on ne pouvait plus sincère.
Pas comme cette vermine de Leroy, qui ne connaissait rien à l'amour. Et pourtant, ce n'était pas faute d'avoir essayé. Il avait tenté de lui faire croire qu'il l'aimait pour ce qu'elle était, elle, qui avait eu bien du mal à s'assumer en tant que femme. Il avait été sa première fois sur le plan sexuel, et il ne l'avait pas ménagée à ce sujet, la pauvre s'en souvenait encore. Rien qu'à cette idée, son derrière se contractait naturellement, comme si elle redoutait qu'on l'agresse.
Elle avait été d'accord pour commencer à coucher, pas pour terminer. Il aurait dû s'arrêter en voyant qu'elle saignait, mais non, monsieur avait continué. Soi-disant il aurait pris ses gémissements de douleur pour autre chose. Mon œil oui. Il savait très bien, ce qu'il faisait, c'était d'ailleurs sa marque de fabrique. Il savait toujours ce qu'il faisait, et cela ne l'arrêtait jamais. Il était comme ça, et personne ne pourrait le changer, il ne le désirait pas.
Elle haïssait cet homme, même si sans lui elle se serait sans doute suicidée depuis bien longtemps. Elle lui devait sa vie actuelle, et rien que de le savoir la plongeait dans une colère noire. Les Keriztchki étaient des personnes courageuses, prêtes à tout pour réussir dans la vie, avec un certain sens des responsabilités, et qui respectaient leurs dettes et leurs engagements. Elle devait faire honneur à cette tradition née dans l'Europe de l'Est, même si elle-même n'avait qu'une seule envie : rompre le cycle.
Quelque part elle avait déjà commencé cette démarche en tuant son propre père. Ils se détestaient mutuellement à un point où le meurtre n'était plus une option, mais la seule solution. En plus de ça, elle avait hérité de son business, si ce n'était pas beau !
Elle avait bien conscience que ce qu'elle faisait de ses travailleurs était mal. Elle savait tout cela, et connaissait les conditions de travail absolument odieuses qu'elle leur infligeait. Mais c'était cela où finir à la rue, elle ne savait faire que ça. Pas d'études, pas d'autres revenus, il fallait bien gagner son pain. Et quitte à pourrir un peu la vie des autres par aigreur, autant y aller à fond.
Son réseau étendu lui permettait de récupérer le bon nombre de travailleurs pour remplacer ceux qui ne tenaient plus le coup. Des immigrés clandestins dans leur écrasante majorité, de pauvres gens qui ne reverraient jamais leur famille. Quoiqu'il dût bien y avoir un ou deux garçons qui venaient du pays et qui avaient des papiers à leur nom.
Il faudrait trouver un moyen de s'en débarrasser à l'occasion, ils étaient devenus une gêne plus qu'autre chose. Peut-être que le bon docteur pourrait aider à ce sujet. Pas sûre. Il devait avoir de bons plans, à la condition qu'il souhaite les lui communiquer, ce dont Natalia doutait très fortement.
Soudain, Hyppolite ne voulut plus d'affection de la part de sa mère. Bah, ce n'était pas bien grave, un autre petit chat était en train d'arriver pour avoir sa dose quotidienne de câlin. Quand il n'y en a plus, il y en a encore !
Natalia sentait tous ses muscles se détendre les uns après les autres. Caresser ses fidèles compagnons de vie lui faisait le plus grand bien. Elle pensait à ce que sa psychologue lui avait dit il y a peu. Elle avait besoin de contact humain. Peut-être bien qu'elle retournerait au Blue Butterfly, elle s'y était plu la dernière fois. Oui, elle allait sans doute noyer son chagrin dans quelques cocktails à base de vodka, ça allait la changer de son éternelle maison. L'habituelle dépression était toujours très forte, mais elle avait arrêté les médicaments, elle avait du mal à les supporter.
Elle ne voulait plus câliner ses félins. Elle voulait dormir, pour réinitialiser son état émotionnel. Alors, elle se déshabilla lentement, et se regarda dans le miroir de plein pied de la salle de bain.
Elle se trouva extrêmement laide, et partie dans sa chambre pour pleurer. Heureusement, le sommeil ne tarda pas.
Cette nuit, elle ne fit pas de rêves.
VOUS LISEZ
Sac de Papier
Misterio / SuspensoLes habitants de Sainte Haelen n'osent plus sortir de chez eux. La raison ? Le mystérieux tueur au sac de papier qui sème la terreur depuis six mois. Une seule solution pour que la police puisse l'attraper : Ethan Leroy, psychiatre de renom, habile...