Chapitre 38 : Réflexions

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Gabriel Jimenez était à son bureau, en train de lire les rapports concernant la découverte du dernier corps semé par le tueur au sac de papier. Le mode opératoire collait, comme d'habitude, encore et toujours le même.

Ses yeux étaient injectés de sang. Encore quelques semaines de travail acharné et Gabriel finirait sur la touche. Il ne pouvait pas en arriver là, il avait un taré à capturer, pour rendre la région plus sécure. Il devait y arriver, son honneur et la sécurité de Sainte Haelen en dépendait. Il ne supporterait pas plus de deux morts supplémentaires, il le sentait. Il fallait faire quelque chose pour que l'enquête arrête de piétiner, sa santé mentale et son intégrité physique étaient en jeu.

Le rapport était formel : une substance inconnue avait été inoculé à la victime, en témoignaient des marques de piqures au bras gauche. Pour autant, on n'en retrouvait aucune trace dans l'organisme, comme d'habitude. De plus, l'expression faciale de la pauvre malheureuse était la même que celles de la majorité des corps retrouvé : quelque chose de terrifiant l'avait à tout jamais défiguré, la peur se lisait sur son visage aussi facilement que l'agacement de Jimenez sur son enquête.

Gabriel lissait sa moustache de la main droite, écrivant de la main gauche des petites notes sur une feuille vierge. C'était le treizième corps, et pour marquer le coup, le tueur avait affamé sa victime pendant près d'une semaine, voire plus, avant de la jeter dans une benne à ordure la vieille de sa découverte. Disons qu'il n'avait pas porté de gants avec cette femme, loin s'en fallait.

Il était malin, et avait pris un gros, très gros risque. Mais il n'y avait aucune caméra de surveillance pour le piéger. Ce salopard avait vraiment tout calculé, comme s'il connaissait la ville parfaitement... L'inspecteur avait un temps émis l'hypothèse que le coupable était un policier, mais devant le peu d'esprit de ses collègues, il avait douté du bienfondé de sa réflexion. Car il fallait une certaine intelligence et un sens pratique pour réaliser les opérations très spécifiques de l'assassin.

Une fois de plus, la police avait été ridiculisée. Jimenez commençait à avoir l'habitude, malheureusement.

Mais il restait une chance de l'attraper. S'il prenait trop la confiance, le tueur se ferait capturer sans trop de difficulté, son pari de cette semaine s'était avéré très risqué. Il allait sans doute y avoir encore un ou deux corps avant qu'on ne puisse le choper. Ils étaient proches du but, l'inspecteur en était persuadé.

C'était obligé, il allait se planter à un moment.

Obligé.

Soudain, il eut une pensée à l'égard d'Alicia. Pardon, de madame Kidmann. Ce n'était vraiment pas de chance de tomber sur le dossier de ce taré. Normalement, une telle chose n'était tout simplement pas possible. Gabriel ne savait pas pourquoi on lui avait collé un bleu dans cette affaire. C'était non seulement illogique mais surtout incompréhensible, qu'allait-elle apporter au dossier ? Elle n'avait clairement pas l'expérience pour être utile à ce poste en particulier.

Oh, ce n'était pas sa faute bien sûr, mais bon, elle allait être plus un frein qu'un accélérateur.

C'était sans doute pour faire chier l'inspecteur Jimenez, il n'y avait guère que cette raison d'envisageable.

« Bande de gamins. Vous préférez m'emmerder plutôt que de me venir en aide, trou du cul va ! Un taré est en train de semer la peur pendant que vous jouez avec mes nerfs. »

Oui, c'était forcément pour le faire chier, il n'y avait pas de doute possible. Tout ça parce qu'il s'appelait Jimenez. Alicia était bien la seule à s'en foutre royalement. En même temps elle s'appelai Kidmann, on ne pouvait pas faire plus allemand. Quelque part ils se comprenaient sur ce point.

C'était peut-être pour ça qu'on lui avait refilé la patate chaude qu'était la nouvelle. Cela faisait sens tout d'un coup.

Son téléphone personnel sonna, l'arrachant à ses pensées. Il regarda qui l'appelait.

C'était le commissariat.

« Putain, on est samedi, foutez-moi la paix... »

Il décrocha, pas mal contrarié. Mais c'était pour le boulot, il n'avait pas le choix. Il reconnu la voix de Francis, un des policiers affiliés au dossier du tueur au sac de papier. Un collègue qu'il aimait bien en tout cas.

— Gabriel ? Ça va ? C'est Francis, tu ne vas pas être content...

— C'est encore lui hein ?

Francis déglutit. Il semblait plus que lassé des découvertes macabres qu'ils faisaient depuis six mois.

— Ouais... Il va falloir que tu viennes en personne, vu que tu es en charge du dossier. Je suis vraiment désolé.

— T'inquiète, c'est pas comme si j'avais une femme et des gosses qui m'attendaient de toute façon... Bon, où est le corps ?

— Dans le parc au Sud-ouest, pas loin de la forêt, au niveau de l'entrée Nord. Tu devrais trouver assez facilement.

— Je n'en doute pas, j'amenais souvent ma nièce là-bas avant le début de ce cauchemar. A tout de suite, je me dépêche.

Et sur ce, Gabriel raccrocha.

Et de quatorze...


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