Chapitre 1.1

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« Ordre d'organisation n° 12S331 – Sommet de la Gestion – Travail sous le dôme :

Transport cyclique en boucle de 20 minutes sans fluctuation d'horaire. Priorité au secteur énergétique et au secteur métallier. Les voies ne peuvent être inoccupées moins de 3 minutes par nœud de secteur. Les différents pôles de traitement de matière doivent pouvoir interagir sans perturbation. »

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Un transporteur passa, expédié à quelques centaines de kilomètres à l'heure pour rejoindre la capitale. Kian tourna la tête vers le bout du tunnel, là où, déjà, sa lumière disparaissait. C'était le huitième. Un toutes les quatre minutes, propulsé si rapidement que l'homme ne pouvait en distinguer les contours, une horlogerie chronométrée, réglée, frénétique, une composante stable de l'environnement des bases de recyclage des souterrains de Neo-Bloemfonteim.

Le nettoyeur avala deux gorgées de sa nourriture liquide et posa son gobelet sur la tablette devant lui. L'horloge digitale de l'autre côté de la vitre, plaquée en haut du tunnel de transport, avança d'une minute. Il fixa la deuxième s'écouler, puis la troisième, avant de reporter son regard sur la ligne de rails où travaillaient prisonniers et Exécuteurs nettoyeurs. Alignés le long de la voie, ils rappelaient leurs arachnoïdes pour s'engouffrer dans les cavités murales prévues pour leur protection. Lorsque la quatrième minute s'écoula, le couloir s'illumina un instant, assourdi des crissements des roues du transporteur, avant de retrouver son obscurité habituelle. Kian porta alors son gobelet à ses lèvres et but deux gorgées.

— Tu crois qu'il va décrocher, au bout d'un moment ? demanda Janna à sa compagne de cellule, Kuina.

Kuina, appuyée contre un pilier métallique à quelques mètres de l'homme, croisait les bras et observait sa source de distraction avec une impatience mêlée de fascination.

— Tu vas voir, réglé comme un putain de robot, murmura-t-elle.

Elle avait longtemps observé les lieux pour mieux se défendre des ordures qui pourraient tenter de l'agresser. Quelques semaines avaient suffi pour qu'elle divise la population du bloc M-17 entre ennemis, alliés ou éléments du décor. Parmi elle, le nettoyeur assis devant elle. Si elle s'était méfiée les premiers jours, elle avait appris à reconnaître son schéma d'action minutieux comme s'il s'était agi d'un programme du bloc. Chaque jour, il sortait de sa cellule, gagnait le réfectoire, se saisissait de cette boisson imbuvable dont seuls les plus désespérés ou malchanceux se nourrissaient – les repas liquides saveur poulet s'envolaient à peine installés dans le distributeur – et la consommait là, devant la vitre, à regarder les transporteurs jusqu'à la prise de son service.

Janna n'était arrivée que deux jours plus tôt, elle n'avait pu s'en rendre compte, mais chacun des hommes et des femmes qui occupaient le bloc M-17 avait ses particularités, certaines plus dangereuses que d'autres. Kian, lui, ne représentait qu'une variable distrayante pour tuer l'ennui des pauses inter-service, rien de plus.

Kian se leva. Janna recula, surprise, et retint son souffle. Dans la seconde qui suivit, le haut-parleur s'enclencha autour d'eux :

Unité B, prise de service dans 5 minutes. Veuillez enfiler vos combinaisons et entrer dans la zone de décontamination.

— Un putain de robot, que je te dis, confirma Kuina, un sourire en coin.

Janna jeta un coup d'œil derrière elle. L'homme gagnait les vestiaires pour exécuter sa mission journalière dans le plus grand silence.

La Fourmi FantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant