Chapitre 10.2

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Suite au signal de Mason, Margaux demanda à Kian de la suivre et trotta jusqu'au groupe. D'abord hésitant, son compagnon la rejoignit et attendit que leurs échanges se terminent. Puis il quitta le KaliKelly en direction des strates intermédaires du dôme 2 de Neo-Bloemfonteim. La démarche tranquille, l'œil prudent, ils se déplacèrent à travers les rues actives du dôme 3, montèrent dans les étages supérieurs et empruntèrent les passerelles de liaison entre les secteurs résidentiels et les lignes ferroviaires qui reliaient les trois dômes de la capitale. La foule se densifia aux abords des gares, plus colorée et bruyante que plus tôt. Les épaules pivotaient pour se frayer un chemin entre les différents passagers, les cris d'appel résonnaient, le sifflement des wagons suspendus filtraient dans l'air. Étourdi, Kian ralentit peu à peu le pas jusqu'à s'immobiliser. Les yeux fermés, il se raidit et attendit que les gens passent, mais les individus se multiplièrent sans qu'il ne voie de fin. Joan se rendit compte de son absence après quelques pas, suivi de peu de Margaux.

— Il est où ? lança-t-elle, paniquée.

Elle se retourna, balaya la foule, mais son mentor, plus grand, vit plus loin. Il le découvrit quelques mètres plus loin.

— Là-bas, indiqua-t-il. Fais entrer ton père dans le wagon deux, je vais entrer à l'arrière.

L'adolescente acquiesça et rejoignit Jane et Mason plus loin. Joang grommela, se fraya un chemin entre les passagers et attrapa le bras de l'homme. Il le repoussa brusquement, se tordit, marmonna, chuta. Le flux continu de passagers s'écarta pour ne pas l'écraser. Joan soupira. La prochaine fois qu'un membre souhaitait escorter une nouvelle recrue, il s'en chargerait lui-même.

— J'ai pas que ça à foutre, mec, grogna-t-il en le soulevant par la anse de son sac. Bouge.

D'un coup brusque, il le poussa devant lui et lui emboîta le pas. Lorsqu'il comprit qu'il n'avancerait pas assez, il perdit patience et lui saisit à nouveau le bras. Il lui suffit d'un nouveau rejet pour comprendre que ce n'était pas la bonne tactique. Il s'interposa face à lui et avertit à voix basse :

— Ça me fait assez chier comme ça de te traîner, donc soit tu fais un effort et t'avances, soit je te laisse là. Je vais pas risquer de me faire attraper par l'armée parce que t'es trop précieux pour traverser une gare blindée.

Kian fixa la jambe mécanique de l'homme, le corps rigide, mais ne répondit pas. Il n'en avait ni la force ni l'envie. Il l'avait pourtant bien formulé : il ne voulait pas aller avec eux.

— Ta réponse, demanda l'homme.

Système en surchauffe, avertit l'IA interne. Isolez-vous.

— « Isolez », répéta Kian en un murmure.

Joan leva les yeux au ciel et regarda le train en arrivage, non loin. Le groupe n'allait pas tarder à pouvoir monter, il devait les suivre. Il réfléchit un instant, maintint sa jambe douloureuse, fatigué, et regarda son fardeau. Mason lui donnait trop d'importance pour l'abandonner. Même s'il devait en souffrir, il allait devoir l'emmener.

Il se remémora la façon dont Jane l'avait ramené au KaliKelly et le saisit par le sac à dos. Sans plus de ménagement, il le traîna derrière lui, boîta à travers la gare et le tira dans le dernier wagon du train juste avant la fermeture des portes. La densité de passagers les étouffa aussitôt. Le compartiment accueillait pas moins d'une cinquantaine de personnes en partance pour le pôle d'étude du dôme 2.

Kian se recroquevilla contre la paroi, écrasé par Joan, une femme et un autre homme. Les poings serrés à blanc, il protégea son visage et commença à énumérer les modèles de pouces augmentés par ordre croissant de dates. Joan l'observa sans un mot, agacé mais conscient que quelque chose l'empêchait de se faire discret. Les regards se tournèrent vers eux, suspicieux, embarrassés, tandis que les ballotements du wagon les poussaient contre les autres par à-coups. À chaque choc, Kian tremblait et s'appuyait un peu plus contre la coque du train. À chaque pic de douleur, il poussait un peu plus le mur derrière lui pour s'en échapper.

La Fourmi FantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant