Chapitre 8

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« Rapport d'observation – Aile du corps d'avenir – Comportement :

Le patient n°3-S-621 présente un taux de nervosité indépendant de ses facultés cognitives premières, et des comportements auto agressifs semblables au patientn°3-S-411 et n°2-S-127. Malgré le remplacement de sa jambe cassée et de sa cage thoracique broyée, il est envisageable qu'il tente de nouveau de se suicider. »

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Les yeux ouverts, Kian fixait les dalles de métal perforées au-dessus de sa couchette et récitait dans son esprit l'ordre de sortie des modèles de cornée augmentée – il avait déjà épuisé le répertoire des prothèses oculaires et des iris synthétiques. Après deux heures à attendre patiemment que le sommeil l'emporte enfin, il avait jeté son dévolu sur les comptes, mais malgré l'épuisement physique de son corps, son esprit ne voulait pas le laisser en paix. Il compta, répertoria, dévia sur Margaux, avant de retrouver sa concentration et la laisser filer à nouveau. Chaque fois qu'il essayait de vider son esprit, il ressassait toutes ses questions d'un seul et même bloc pour les reposer.

Trop nerveux pour rester allongé, il s'assit d'un mouvement lent et tapota ses poings, ses lèvres murmurant les derniers modèles de rétine augmentée.

— RtA-2k116-2, termina-t-il.

Le vide. Puis le chaos. Il regarda ses mains fermées, son bureau vide où il avait posé sa mallette, son manteau lâché à même le sol, les perforations des parois qui ventilaient sa cellule de repos, les lignes horizontales et verticales qui s'entrecroisaient pour quadriller les murs, puis le plafond.

Activité cérébrale anormale, déclara son IA interne.

Kian contrôla la température de sa nuque brûlante puis tendit ses deux mains devant lui, tremblantes. La prothèse montrait ses limites. Elle fatiguait, et lui avec. Il devait la retoucher.

Il activa le brouilleur logé à la base de son crâne, puis sa digipuce, entra les coordonnées de Louisa et rédigea : « J'ai besoin d'un check-up ». Il n'eut qu'à attendre quelques minutes pour recevoir une réponse : « J'ai besoin d'une réparation matérielle. Malseun, chambre 5, je suis là dans une heure ».

Le technicien vérifia les coordonnées du bar et étudia le trajet qu'il devrait faire jusque-là. Heureusement pour lui, Louisa appartenait au monde déréglé, celui qui avait abandonné l'idée de calquer son rythme de vie sur la lumière d'un soleil qu'elle ne pouvait plus voir. Plus active la nuit que le jour, elle allait de bar en bar, de boîte en boîte, dans les plus vastes maisons de bonheur – des lieux de consommation de drogue régulés mais secrets – pour y retrouver des amis, des connaissances, ou même des inconnus.

Le Malseun se trouvait dans le dôme 2, à 17 étages du sol, loin des lignes de métro suspendues qui traversaient l'ensemble de la cité, mais Kian n'avait pas d'autre choix que de composer avec. Il regroupa ses affaires essentielles – son manteau, sa poche de nanorobots et ses bottes – avant de se couvrir et de quitter la prison. Les gardes de l'infrastructure l'arrêtèrent à la sortie, le regard méfiant.

— Tu fous quoi ? lança le premier.

— Je sors.

Il rit, puis reprit un air agacé. Depuis qu'il savait d'où il venait, le garde n'arrivait à pas à l'encadrer.

— Et tu vas où, précieuse ? Dans tes jolis quartiers du niveau 1 ?

— Un bar, articula Kian après un instant d'hésitation.

La Fourmi FantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant