Chapitre 6.1

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« Rapport de compétences n°2k02-ArT-4012 –Sommet de la Gestion – Aile de formation :
Excellente perception à moyenne et longue distance, réactivité immédiate. Résultats des essais de neurostimulants : 94% d'efficacité. Taux d'élimination : 97%. Dépendance estimée : 61%. »

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— C'est l'adresse ? s'informa Sifiso, dubitatif.

— Ouais.

Joan leva les yeux sur la façade austère d'un vieil immeuble de Périphérie 1, un parmi tant d'autres. Résultat des premières macroconstructions qui avaient l'édification des dômes, il dévoilait plusieurs fissures stabilisées par ajouts de matière répétés dans un assemblage aussi confus que miteux. Les fenêtres avaient pour la plupart été condamnées, et les rares ouvertures qui subsistaient se révélaient en hauteur, là où les passerelles ne pouvaient pas accéder, ni même aucun sauteur amateur. La tour des chimistes de Rooi Mier ressemblait à un pilier de dortoirs abandonné.

— J'imaginais ça plus... punchy, commenta Sifiso, un sourcil levé. Les Nag Skoenlapper crèchent dans l'un des tours centrales du 2, et ils ont même pas la moitié des crédits de ces types.

— Le gars veut peut-être juste qu'on lui foute la paix, supposa Joan.

— Mec, perché au soixantième étage, tu veux que qui te fasse chier ?

Joan marqua un temps de pause, perplexe. S'il avait plus de moyen et la volonté de faire partie du système d'alimentation de Conquête, sûrement se serait-il isolé là-haut, dans les derniers étages du niveau 0, à regarder de haut tous ces insectes insignifiants qui se tuaient à la tâche pour alimenter les cerveaux de l'Humanité.

— Pas faux.

Il passa son brouilleur devant le scanner de l'entrée et franchit le seuil. L'odeur de poussière et de renfermé se mêla à celle des relents acides de l'oemfeim, bien loin d'eux, puis de la transpiration de la garde qui pointait le canon de son revolver sur sa tempe. Sifiso s'apprêta à dégainer son arme à son tour, mais le métal froid qui toucha sa nuque l'en dissuada. Il suspendit ses bras, un air agacé sur le visage.

— Tu n'es pas le bienvenu ici, Hagos, déclara la femme et en s'approchant.

Dans la pénombre, les deux hommes pouvaient voir le contour lumineux de sa cornée augmentée droite et la ligne noire tatouée du milieu de sa lèvre au creux de ses seins. La soldate ferma un œil pour les observer de l'autre, biologique, puis tâta les vêtements de Joan. L'ancien militaire réagit au quart de tour. Il attrapa plaqua une main sur son menton, l'autre à son poignet, la déstabilisa et s'empara de l'arme, mais la femme sortit un deuxième revolver et le plaqua sur son front, la lèvre ensanglantée. Joan lui tendit celui qu'il venait de lui subtiliser, le regard noir.

— Tout doux, Hagos, je fais que suivre les ordres.

— Et je fais la même, répliqua l'homme. On vient pas pour se battre, juste pour voir Sizwe.

— Sizwe ?

Un ricanement amer franchit les lèvres des deux soldats qui s'éloignèrent et rangèrent leur matériel de surveillance. L'homme s'installa sur une table et sortit sa vapoteuse d'oemfeim. La femme, elle, croisa ses bras larges sur sa poitrine en secouant la tête.

— Vous savez le nombre de gars qui veulent le rencontrer en personne ? lâcha-t-elle. Peut-être un demi-million rien que sur ce dôme. Et désolée de vous l'apprendre, mais vous êtes loin d'être privilégiés par les temps qui courent. Si le marché violet vous a vu entrer ici, et c'est sûrement le cas, alors on est déjà dans la ligne de mire de quelques dizaines de chasseurs de prime.

La Fourmi FantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant