La Fourmi Fantôme

Chapitre 19.1

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Formalisation théorique d'un virus capable de modifier le codage du programme adverse pour se déplacer dans un système informatique sans attaque datant de 2072. Dérivé de la Fourmi Ouvrière. Fourmis Fantômes détectées depuis la théorisation : 0. »

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— Le truc de dingue... souffla Kai, fasciné.

Kai étudia le nanite holographique projeté devant lui, des contours étranges de la miniature à la précision de ses six pattes. Semblables à d'infimes fourmis aux bras mécaniques, ils s'articulaient en trois corps aux fonctions distinctes et pourtant reliées, sensibles aux signaux électromagnétiques de leur concepteur. Une merveille de technologie aussi étrange que déroutante.

Découvrir le chantier mécanique dans la cellule de repos de Kian avait d'abord effrayé Kai. Un instant, il avait craint de ne pas avoir été assez attentif, et que l'homme se soit dirigé vers une voie qui leur causerait de nouveau des problèmes. Pourtant, il avait suffi qu'il s'y intéresse d'un peu plus près pour comprendre que tout ne faisait partie que d'un seul ensemble inoffensif : celui de Kian. Son ordinateur contrôlait les essaims de nanites qui vibraient le long des parois pour les désagréger, le travail d'autres agglutinés sur les composants au sol, les réparations minutieuses des derniers sur son propre corps. Tous œuvraient pour consolider, résoudre et créer ce dont avait besoin leur propriétaire.

Assis au bord de la table de projection, attentif à ne pas déborder dans le champ de travail de l'Hyperspécialiste, Kai observa les six écrans projetés autour de lui, puis le déplacement des nanites le long des lignes métalliques qui traversaient le corps de Kian. Il avait bien vite oublié la raison de sa venue première. Plongé dans un rêve éveillé, l'adolescent admirait les hologrammes complexes suspendus devant lui, les lignes de calcul de programmes trop élaborés pour lui, et la liste des tâches envoyées aux essaims mécaniques qui travaillaient. Le voile sombre et mobile qu'ils formaient allait et venait sur la chair, le métal et le béton. Curieux, il approcha sa main de la table de projection pour en extraire le modèle tridimensionnel d'un nanite à grand échelle. Kian se figea. Un inconfort grandissant le troubla. Il fixa les mains hésitantes de l'adolescent qui agrandissaient la projection pour mieux la voir. Lorsque Kai s'en rendit compte, il s'écarta, les joues rougies.

— Excuse-moi, je voulais pas, s'empressa-t-il de lâcher. C'est juste...

Il chercha ses mots, les mains rangés dans son sweat rouge délavé. Il n'arrivait à pas trouver de bonne raison pour se justifier.

— C'est juste trop cool...

— Pourquoi c'est « cool » ? demanda Kian après un temps.

Kai pinça les lèvres, embarrassé. Il observa les pièces de la jambe de Joan étalées à travers la chambre, les parois entamées par les robots miniatures et força un sourire.

— J'viens du 0, j'y ai toujours vécu... déclara Kai. Ce genre de truc, on le voit que dans les films. On le voit jamais dans la réalité. Je pensais même pas que c'était possible... C'est vraiment un truc de fou.

Kian ignorait s'il devait être blessé ou flatté. Ses doigts suspendus autour du modèle de son prototype, il réfléchit un court instant avant d'abandonner sa réponse et de reprendre la manipulation de l'hologramme. Kai l'observa en silence, fasciné, les yeux brillants d'une admiration sans borne. En quelques heures, Kian venait de devenir un rêve inatteignable. Ses gestes saccadés, peu enclins à suivre le prolongement naturel de sa pensée, déplaçaient les paramètres, les multipliaient, les reliaient avec une précision résultant d'efforts considérables.