Chapitre 25.1

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« Rapport d'archive N°3254-F-296 – Sommet dela Gestion – Faune disparue :
Les études menées sur une centaine de flamants roses de réserves différentes a montré l'importance des relations amoureuses et amicales dans leur survie. Les individus isolés présentent une durée de vie de quelques semaines après leur séparation, les couples une durée de vie de plusieurs dizaines de mois et les ensembles sociaux une durée de vie de plusieurs années. Les cercles fermés présentent des connexions sociales puissantes et intimement liées au bien-être de chaque individu du groupe. »

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Plongé dans l'obscurité de sa cellule habituelle, au cœur de la base originelle de Neo-Bloemfontein, incapable de parler et presque de manger, Kian répétait inlassablement les mêmes gestes, la voix d'Andile Harris et l'histoire des flamants roses dans ses oreilles. D'abord soucieux de remonter pour l'énième fois son ordinateur, il avait fini par activer le prototype d'At-Mo pour faire ce qu'il avait toujours préféré faire : créer les figurines mortuaires des défunts répertoriés par le système.

Sans Nwelwe pour l'obliger à faire quoi que ce soit, sans les niveaux supérieurs pour le menacer de devoir reprendre ses fonctions ou de mourir, il pouvait se ressourcer sans craindre d'être interrompu ou blessé.

La base de Nwelwe avait été désertée au profit des niveaux supérieurs, désormais occupés par une grande partie de la population de Neo-Bloemfontein, excepté pour Kian, Joan, Kai et Margaux. La plupart de ses anciens occupants demeuraient désormais dans le compost national, ou auprès des actifs de la cité, dans les niveaux supérieurs, tandis que les derniers occupants finalisaient réglaient les problèmes mineurs depuis leur foyer isolé. En quelques jours seulement, les populations s'étaient emmêlées, parfois pour retrouver la foi, parfois pour retrouver leurs racines.

Neo-Bloemfontein était parvenue à retrouver son calme habituel, poussé de quelques révoltes qui mouraient sous leur propre poids. Les derniers défenseurs de la pensée capitaliste migraient vers Neo-Niamey et ses cités-dômes environnantes, les utopistes se familiarisaient avec les technologies de la capitale pour soigner leurs malades et leurs blessés, les populations souterraines et surfaciques se mélangaient dans un équilibre d'abord précaire, mais peu à peu protégé par la bannière de la survie. Les utopistes connaissaient bien mieux le monde extérieur et ses contraintes, les capitalistes possédaient la connaissances et l'endoctrinement nécessaires à la fabrication et la conception d'At-Mo. Ils étaient différents, sûrement trop pour espérer d'abord vivre en harmonie, mais leur désir commun de pouvoir enfin redonner un visage au monde de la surface les poussaient à mettre de côté leurs différends pour mieux avancer.

Les quartiers désertés reprenaient peu à peu vie, les dégâts causés par la Révolution réparés dans la mesure du possible, les cadavres évacués vers le composteur, les denrées rééquilibrées, les nouvelles tâches réparties. Sans la menace d'une place dans les « Conquête », sans le poids de la faim et de la fatigue sur leurs épaules, nombre d'artisans et de concepteurs avaient pu se réunir dans les laboratoires géants des niveaux supérieurs tandis que les soutiens primaires œuvraient entre les niveaux pour apporter un réconfort et une nourriture suffisante. Les bars et boîtes de plaisir s'étaient disséminées entre les étages pour offrir un réconfort suffisant à chacun, certains ateliers étaient descendus pour se rapprocher des matières premières, les blocs de recyclages avaient été repensés pour mieux servir la cause commune. Les strates s'étaient mélangées, croisées, complétées, pour assurer une meilleure visibilité.

L'urgence de fuir la Terre s'était transformée en celle de la restaurer. Un « Reboot », comme les appelaient les Programmeurs autrefois affectés à la sécurité.

La Fourmi FantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant