Chapitre 19.2

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Margaux baissa la tête vers son mentor, se leva et tendit son bras.

— Allez, beau gosse, on va te remettre sur pieds. Suis-moi.

— « Beau gosse » ? répéta Joan en s'exécutant.

Margaux le tira à elle, le soutint par les épaules, et projeta sa carte holographique. Après un instant, elle entraîna Joan avec elle. Leur chemin se termina une courte minute plus tard, dans une alcôve étroite près des gaines d'acheminement d'eau et d'électricité, coincée entre deux laboratoires de recherche. La jeune femme laissa alors tomber son mentor à terre, se précipita sur une arrivée de pulvérisateur à lotion nettoyeuse et imbiba l'une des serviettes immaculées de l'armoire avant de l'apposer sur le visage de l'homme. Joan la récupéra, le regard vide.

— Reste là, je reviens, j'en ai pour une minute, avertit-elle avant de sortir.

Joan se retrouva seul. Enfermé dans un placard à peine assez grand pour quatre personnes, seulement meublé du strict nécessaire, il fixa le sang qui coulait de son bras et l'obscurité qui l'étreignait. Il se sentait vide, essoré, comme si l'ensemble de l'armée lui était passé dessus pour le débarrasser de la moindre force qu'il conservait. À bout, il s'écroula près de la colonne, déchet, s'accrocha péniblement à la trappe et s'autorisa enfin à lâcher prise. Ses entrailles se contractèrent, son maigre repas rejoignit le conduit et larmes et tremblements l'étranglèrent. Il avait échoué. Sa seule et unique mission, la seule marque de confiance qu'on lui avait accordée, il l'avait trahie.

— Connard... s'injuria-t-il en passant une main tremblante sur son visage.

Un sanglot lui échappa. Il se maudit intérieurement, serra ses cheveux poisseux entre ses doigts et laissa les larmes dévaler ses joues. Quand il retrouva assez de contrôle pour oser se lever, il s'appuya sur la trappe, retrouva le pulvérisateur et posa ses mains sur les rebords pour tenir debout. Il n'avait pas de courage, à peine assez de force, mais il n'avait d'autre choix que de continuer. Il devait retrouver Kian coûte que coûte.

— Réveille-toi, s'ordonna-t-il, la tête penchée au-dessus du bac du pulvérisateur à eau. Réveille-toi. Réveille-toi, putain.

Il poussa brusquement le mécanisme de projection d'eau. La brume passa sur son visage et dans ses cheveux. La serviette de Margaux en main, il entama le nettoyage de son front, puis de ses joues avant de poursuivre sur ses blessures. À la vue du sang, ses muscles tressaillirent.

— Désape-toi, beau gosse, faut qu'on passe à la vitesse supérieure, déclara Margaux en pénétrant dans la pièce.

L'homme esquissa un rictus agacé et se tourna. La jeune femme accrocha un t-shirt et un pantalon issu des laboratoires alentours à l'une des canalisations qui les surplombaient et se retourna par respect. Joan termina d'essuyer et de cautériser ses plaies avant d'ôter ses vêtements souillés. Il enfila avec une confiance mesurée ceux que sa compagne avait apportés, serra au mieux le cordon du bac autour de sa taille et regretta les manches courtes du haut. C'était mieux que rien.

Il rechaussa ses bottes et termina de nettoyer ses cheveux.

— Merci, lâcha-t-il finalement.

— J'compte pas le nombre de fois où t'as sauvé mon cul, ricana la jeune femme en se retournant. Puis on est une équipe, pas vrai ?

Elle défit l'élastique à son poignet, jeta celui souillé de son mentor et posa le sien sur le rebord du bac. Joan étouffa un rire embarrassé avant d'attacher sa tignasse emmêlée dans un chignon solide. Margaux recula, les bras croisés, et parcourut du regard la plaie qui ouvrait son avant-bras et les brûlures qui apparaissaient sous ses manches courtes. Ses yeux se voilèrent d'une peine mal dissimulée. Joan perdit sa bonne humeur. Il essuya le liquide poisseux à son cou sans un regard vers le tissu qu'il avait utilisé et sortit de l'alcôve.

La Fourmi FantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant