Chapitre 10.1

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« Rapport d'observationn°1V2547-09 – Sommet du corps d'avenir – Procréation :

La patiente présente une grossesse naturelle à 18semaines. Les analyses et les scanners ont montré un fœtus viable, maisléthargique. La risque de fausse-couche est annoncé à 76%, et celui d'obtenirun corps déficient à 89%. Chances d'hyperspécialisation : 0%. »

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Margaux et Kian pénétrèrent dans la foule et ralentirent le rythme. Essoufflé, tremblant, le technicien chercha à mettre de l'ordre dans ses membres rebelles avant de se maintenir debout. La masse humaine des bas quartiers de la prison 3 grouillait de travailleurs et de coursiers en quête d'une ligne ferroviaire ou de noms à ajouter à sa liste de clients. Les épaules organiques et mécaniques les poussaient, les gens passaient, les murmures se multipliaient, les interactions brouillèrent les repères de l'homme qui se contenta de fixer le sol sale et irrégulier où les taches d'huile et d'autre liquides chimiques côtoyaient les débris d'un quelconque bâtiment égaré dans la rue.

Les rues de Neo-Bloemfonteim accueillaient l'activité humaine qui lui permettait de survivre à travers les tempêtes solaires et les catastrophes naturelles à répétition de l'extérieur. Les techniciens d'enveloppe se dirigeaient vers la périphérie pour entretenir les plaques de polymères thermorégulantes qui les protégeaient, les ingénieurs et ouvriers mécaniques se dirigeaient vers la centrale spatiale pour poursuivre l'élaboration de la navette « Conquête », les mainteneurs de vie s'occupaient des âmes en déperdition qui attendaient leur créneau de travail ou leur fin de vie ; l'ensemble des individus qui alimentaient le dôme se croisait autour des allées directrices qui reliaient les dômes. Margaux sortait rarement en pleine activité, elle avait pris l'habitude de circuler pendant les créneaux moins actifs. Voir autant de monde, d'un coup, relevait autant d'une chance que d'une plaie. Elle pouvait presque disparaître des radars des drones militaires, mais demeurait dans l'impossibilité de retrouver son mentor. Avec autant de visages, autant de mouvement, autant de lumière, Joan se fondait dans un décor en perpétuel changement.

Kian marmonna à ses côtés. Elle se retourna. L'homme, les épaules redressées, le regard rivé sur le sol, cherchait à chasser l'anxiété naissante de son corps.

— Il faut qu'on sorte de là.

Margaux se tourna vers les gardes armés de la prison qui forçaient un passage dans la rue principale et jura. Elle força Kian à s'engouffrer sous la tonnelle d'un étalage de capsules d'eau pure vendues à peine trois cent vingt crédits. Les acheteurs se battaient pour obtenir la leur, mais la vendeuse terminait de vendre la dernière devant leurs yeux.

— Terminé, dégagez ! lança la femme en levant son bras mécanique.

Des râles de protestations résonnèrent. Margaux, étouffée par la poussée des clients derrière elle, commença peu à peu à respirer et s'appuya contre la vitre. Un bref coup d'œil derrière elle, et les gardes se dispersaient dans les rues annexes pour les prendre en chasse. Les militaires du dôme pensaient trop souvent à envisager la fuite rapide plutôt qu'une diversion à seulement quelques centaines de mètres de l'entrée.

Elle épousseta sa veste, fronça les sourcils et se redressa vers la vendeuse d'eau dont les sourcils tatoués s'étaient froncés. Ses yeux augmentés reflétaient une réalité superposée à l'espace virtuel dans lequel elle marchandait, soulignant les traits rose gravée dans sa peau noire. Elle avait de l'argent, plus qu'elle n'en laissait paraître. Personne avec un manteau recyclé et customisé ne portait d'augmentation de ce standing.

La Fourmi FantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant