Chapitre 24.2

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Joan et Errol trouvèrent une entrée accessible à la tour après plusieurs longues rondes. Mus par l'urgence, ils pénétrèrent dans la tour en manquant de renverser les meubles qui en dessinaient l'accueil, ignorant la fatigue et les blessures de leur attaque passée. Joan activa la projection holographique de sa digipuce et transmit les données à son ami qui l'alluma à son tour. Kian se trouvait en haut, et les accès bloqués mécaniquement n'avaient pas encore été réparés par les spécialistes.

Joan pointa la cage d'escalier, à bout de souffle. Errol acquiesça. L'un derrière l'autre, ils se précipitèrent vers la porte, désactivèrent la magnétisation qui en protégeait l'accès et montèrent les marches deux à deux. Après le troisième étage, l'énergie leur manqua. Ils ralentirent, se traînèrent, poussèrent sur leurs membres et s'acharnèrent contre leur corps pour atteindre le douzième étage d'une posture presque rampante. Épuisés, Errol se jeta sur la porte immobile et jura. Il se laissa glisser au sol, la poitrine brûlée par l'effort. Joan s'accroupit alors à ses côtés pour inspecter la serrure. Encore un blocage mécanique. Il fouilla dans ses poches, retrouva les soudeurs du secteur métal qui avaient accompagné son génocide androïde et les activa. La serrure fondit, l'objet traversa la porte et forma un large vide. Joan posa alors le soudeur à terre et inspecta le plateau vide. Quelques traces de sang demeuraient, isolées, mais aucun corps.

— Personne, souffla-t-il en se saisissant de la pince dans son autre poche.

Il poussa le cadran de protection de la porte, coupa les contours fondus et inspecta le mécanisme d'un geste tremblant. Il fatiguait. Le poing fermé, il canalisa les frémissements de ses muscles pour se concentrer et reprit sous le regard d'un Errol à la fois admiratif et inquiet.

— Où t'as appris à forcer des fermetures mécaniques à triple sécurité ?

Joan crispa un sourire et joua de sa pince à l'intérieur du bloc pour réactiver le mécanisme. Un clapotis retentit. Il recula alors, demanda à son compagnon de s'éloigner, inspira un bon coup et percuta de plein fouet la porte qui céda. Son corps passa l'entrée, ses jambes s'emmêlèrent, mais il se rattrapa à un mur et se pencha, tout tremblant. L'adrénaline perdait de son effet.

— Joker, se contenta-t-il de répondre.

— Joan Hagos, qui êtes-vous... lança Errol d'un ton moqueur.

Un rictus amusé fendit les lèvres de l'ancien militaire qui se redressa pour inspecter sa carte. Son compagnon en fit de même, plus sérieux. Kian se trouvait de l'autre côté du plateau.

Aussi vite que leur permettait leurs jambes, ils avancèrent entre les couloirs désordonnés, passèrent le cadavre d'un homme armé, celui d'un Penseur surpris, avant d'apercevoir la silhouette immobile de Kian, assise à même le sol. Les deux hommes se précipitèrent vers lui, le cœur agité, mais ils ralentirent bien vite lorsqu'ils virent le sang qui l'entourait. Le sol baignait dans une mare ovale écarlate, encore poisseuse, tandis que les murs avaient réceptionné les projections sanguinolentes d'un crâne traversé par un trou large et obscur.

— Bordel... jura Errol, le cœur au bord des lèvres.

Kian avait trouvé les corps sans vie de Louisa et Tempo.

Louisa n'avait pas survécu à ses blessures, bien qu'elle ait entamé un processus de chirurgie temporaire après son arrivée dans la Tour. Sa main valide tenait encore son stylet de travail, touchée par le sang qui avait fini par s'étendre autour d'elle. Le bandage rouge à son bras n'avait pas suffi, et la partie presque détachée de son bras avait entamé son processus de décomposition. La médecin n'avait pas abandonné la vie, mais la mort l'avait rattrapée avec qu'elle ne lui échappe, emportant avec elle Tempo, assis face à elle, son visage crasseux et sanguinolent marqué par deux sillons mates sur ses joues.

La Fourmi FantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant