Chapitre 5.1

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« Rapport d'expérimentation n°AT-MO-513 –Sommet de l'Énergie – Aile de transformation de la matière :
Automatisation de la transformation atomique à moindre coût énergétique échouée. Le prototype présente des points chauds importants. Mise à jour du programme et modification de l'alliage primaire nécessaires. Temps estimé : 78h. »

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Kian demeurait immobile devant la porte de la cellule B37 depuis déjà presque une heure. Sa balle sensorielle entre les mains, il ressassait les mots, les phrases et les gestes qu'il avait préparés dans la nuit, déterminé à ne pas dévier. Il avait tout vérifié avec Tempo. D'abord des excuses franches, puis une assise, quelques banalités sans saveur échangées par politesse et les explications que Louisa lui avait conseillé de donner. Ce n'était qu'un ensemble de tâches soigneusement organisées destinées à effacer un malentendu qui le préoccupait. Une fois réglé, ce problème disparaîtrait et lui permettrait de mieux se concentrer.

Ça, c'était du moins la théorie. Dans la pratique, il n'avait toujours pas réussi à la franchir le cap de la présentation de sa digipuce au scanner pour demander à entrer.

Excuse, on s'assoit, explications, on règle le problème, répétait-il machinalement dans sa tête. Puis encore excuse.

La porte s'ouvrit soudain. Appuyé contre l'encadrement de la porte, Joan le dévisageait avec un agacement mêlé de fatigue. Ses descentes d'oemfeim tiraient sur ses traits et sa patience plus que de raison.

— Tu comptes établir un campement devant chez moi longtemps ? cracha-t-il, de mauvaise humeur.

Kian baissa les yeux, pris de court. Ce n'était pas dans le script qu'il avait écrit. Les mains agitées, il commença à presser sa balle entre ses doigts et réfléchir, avant de répondre :

— Je n'ai pas emmené mes affaires.

— Quoi ?

— Pour établir un campement.

Joan leva les yeux au ciel et ferma la porte. Kian se trouva à nouveau seul. Les yeux rivés sur la fente qui permettait aux deux pans métalliques de se séparer, il patienta quelques minutes, puis plusieurs dizaines, avant que la porte s'ouvre de nouveau.

— Tu fous quoi, putain ? s'énerva Joan. Qu'est-ce que tu veux ?

— M'excuser.

L'ancien militaire déglutit. Il s'était préparé à l'éventualité qu'il puisse devenir envahissant et exercer une pression depuis l'entrée de sa cellule, mais pas qu'il vienne s'excuser. Il serra la cloison entre ses mains tremblantes et ravala l'angoisse qui lui serrait la gorge. Il ne voulait pas y repenser, mais son visiteur ne lui laissait pas le choix.

— Dégage, lâcha-t-il.

— Non.

— S'il te plaît, Kian, je suis vraiment pas en état de te parler.

Kian avait imaginé d'abord d'asseoir et attendre qu'ils soient en intimité pour parler, mais force était d'admettre que la réalité dépassait ses prévisions. Il attrapa sa nuque abîmée, inconfortable, et pressa sa balle contre elle. S'il ne pouvait pas s'asseoir, il devait passer à l'étape suivante.

— Louisa m'a dit que je dois connaître mon ennemi avant qu'il s'en prenne à moi, et que tout le monde peut être un ennemi, commença-t-il d'un ton monocorde en prenant soin de bien articuler. Alors quand je suis seul, je cherche ce que je peux trouver et je le retiens. Je cherche pas toujours pareil, parce que tous les...

La Fourmi FantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant