Chapitre 14.1

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« Rapport de sécurité n°54S877 – Sommet de la Gestion – Aile de la sécurité :
Y a vraiment un truc dans le réseau. Ça se déplace, mais ça se voit pas. Ça duplique des trucs, mais tu sais pas quoi. Faut aller chercher dans les résidus pour espérer trouver quelque chose. Ce truc va me rendre malade. »

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Son oreille collée au diaphragme de Joan, ses genoux repliés sous la couchette, Kian écoutait les battements réguliers du cœur de Joan, ses respirations claires et profondes et les quelques gargouillements qui résonnaient depuis son ventre. Leur musique étrange vibrait en lui. Sa poitrine se gonflait à intervalles déterminés, mais son corps, lui, jouissait d'une liberté chaotique pour exprimer ses besoins. D'abord un claquement égaré, puis un marmonnement étouffé d'un autre, avant de retrouver un calme à peine perturbé par son sommeil.

Les yeux rivés sur son abdomen où métal et chair se côtoyaient, Kian compta le nombre de respirations qui gonflaient sa poitrine et de manifestations de son estomac affamé avant d'apercevoir la deuxième érection nocturne de l'homme. Il reprit son compte à zéro.

Un, deux, trois...

Les battements de cœur s'accélérèrent, une mélodie dissonante à laquelle il n'était pas habitué. Il se concentra, puis sentit le léger mouvement de Joan derrière lui.

— Qu'est-ce que... tu fous ? s'enquit l'ancien militaire.

Dans son corps, sa voix prenait une sonorité étrange, comme si un bocal en verre l'avait enfermée. Sans bouger, il prit cinq respirations avant de répondre :

— J'écoute.

Joan fronça les sourcils. En s'endormant, il n'avait pas pensé devenir un tel objet d'attention. Il ignorait depuis combien de temps son partenaire était éveillé, mais l'embarras le gagna peu à peu. Exposer son corps lors d'ébats passait encore, mais le dévoiler pour être décortiqué, très peu pour lui.

Encore léthargique de sa nuit, il se redressa sur les coudes. Kian ne bougea pas.

— T'écoute quoi ? lâcha Joan en ignorant l'érection qui levait le drap froissé sur ses jambes.

Huit respirations défilèrent, et quelques regards éparpillés à la recherche de ses vêtements.

— Ton souffle, commença à énumérer Kian d'une voix mesurée, ton cœur, et d'autres petits bruits que je ne connais pas. Tu savais qu'il fallait quatre mille trois cents quarante-neuf respirations pour que tu aies une nouvelle érection nocturne ?

— N-non, balbutia Joan, décontenancé. T'es réveillé depuis quand ?

Kian réfléchit un instant.

— Sept mille six cents soixante-et-une respirations.

— Combien de temps ?

— Un peu plus de trois heures.

Joan soupira et se laissa tomber sur son oreiller. Il massa son visage fatigué, se maudit de ne pas l'avoir senti bouger et se redressa à nouveau. Il haïssait l'idée d'avoir été épié si longtemps – ses joues brûlaient d'une honte contenue –, mais il devait admettre qu'il n'avait pas aussi bien dormi depuis plusieurs mois. Arrêter l'oemfeim le tendait, mais cela améliorait visiblement son sommeil.

— Tu aurais dû me réveiller.

— Pourquoi ?

Prêt à répondre, l'ancien militaire se figea. Il n'en avait pas la moindre idée. C'était seulement ce qu'il avait fait jusque-là avec ses précédents partenaires.

La Fourmi FantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant